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Moncer Rouissi

30 août 2011

Rapport de la "Consultation Nationale sur L'emploi - Tunisie 2008"

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’Emploi,

un défi aux dimensions multiples

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rapport de la Consultation Nationale sur l`Emploi

Octobre 2008

SOMMAIRE

 

COMITE D`ORGANISATION DE LA CONSULTATION NATIONALE SUR L`EMPLOI. 5

PRESIDENTS DES COMITES REGIONAUX D`ORGANISATION DE LA CONSULTATION NATIONALE SUR L`EMPLOI (Par ordre Alphabetique du nom):6

INTRODUCTION.. 8

L’EMPLOI,UN DEFI AUX DIMENSIONS MULTIPLES :13

LE CONTEXTE  ET LES URGENCES. 13

Proposition stratégique N°1 17

A.        Première Partie: L’économie peut-elle créer plus et mieux d’emplois?  21

1.     Introduction. 22

2.     Axes d’amélioration :24

2.1.     La société tunisienne ne valorise pas le travail et l’Entreprise.24

2.2.     Une  mobilisation insuffisante autour de l’impératif de la compétitivité.24

2.3.     Des gisements d’emploi sous exploités.25

Gisement 1 :  le  facteur travail, notamment qualifié,  n’est pas favorisé. 25

Proposition stratégique N°2. 25

Gisement 2 : L’entreprise et le recrutement, une bonne relation qui reste à établir.26

Proposition stratégique N°3. 27

Gisement 3 : L’entreprise n’est pas incitée à se repositionner sur des activités à plus forte valeur ajoutée  ou comment favoriser l’insertion dans l’économie basée sur les connaissances ?. 27

Proposition stratégique N°4. 29

Gisement 4 :     Nombre d’activités de soutien sont encore assurées en interne dans les services publics.30

Proposition stratégique N°5. 31

Gisement 5 : L’impact emploi  des IDE, notamment indirect, en déficit de démultiplication.32

Proposition stratégique N°6. 33

Proposition stratégique N°7. 33

Proposition stratégique N°8. 34

Gisement 6 :     L’effet de levier  des achats publics n’est pas suffisamment exercé sur  le développement de l’industrie et des services. 35

Proposition stratégique N°9. 35

Gisement 7 : Des potentialités  sectorielles  insuffisamment exploitées. 36

Proposition stratégique N°10. 37

Proposition stratégique N°11. 39

Proposition stratégique N°12. 40

Gisement 8 :  Les entreprises existantes ne sont pas incitées à l’expansion. 42

Proposition stratégique N°13. 43

Proposition stratégique N°14. 43

Gisement 9 : Impulser l’investissement privé productif44

Proposition stratégique N°15. 45

Gisement 10 :    Identification insuffisante des opportunités du marché intérieur, vu notamment sous l’angle régional45

Gisement 11 : L’investissement  demeure handicapé par le manque de diversification de notre commerce extérieur. 45

Proposition stratégique N°16. 48

Proposition stratégique N°17. 49

2.4.     Le tiers Ouest du pays n’a pas une attractivité suffisante. 49

Proposition stratégique N°18. 50

B.        Deuxième partie : Le système d’éducation et de formation peut-il devenir la voie royale vers l’emploi ?. 51

1.     Introduction. 52

2.     Axes d’amélioration :53

2.1.     L’organisation mise en place dans les établissements scolaires ne permet pas l’atteinte  des objectifs arrêtés pour chaque cycle.53

Proposition stratégique N°19. 54

2.2.     Un déficit en information et communication entraine une mauvaise orientation professionnelle des élèves et des étudiants. 55

Proposition stratégique N°20. 57

2.3.     Les modes de formation, l’organisation des établissements universitaires et le statut des enseignants ne favorisent pas la professionnalisation des filières de l’enseignement supérieur et son ouverture à l’international.58

Proposition stratégique N°21. 60

Proposition stratégique N°22. 62

Proposition stratégique N°23. 62

2.4.     La formation professionnelle n’est pas encore attractive parce qu’elle continue à conduire à des impasses et qu’elle est positionnée pour accueillir et surtout masquer l’échec scolaire.63

Proposition stratégique N°24. 64

2.5.     Un manque d’appropriation  des réformes qui ne permet pas de concrétiser les objectifs fixés.65

Proposition stratégique N°25. 66

2.6.     Une représentation sociale  qui consacre la séparation  entre  la formation et le travail66

C.        TROISIEME partie : Peut-on promouvoir l’emploi par un meilleur fonctionnement du marché du travail?. 68

1.     Introduction. 69

2.     Axes d’amélioration. 69

2.1.     L’intermédiation des services publics de l’emploi ne garantit pas la rencontre des offres et des demandes  69

Proposition stratégique N°26. 71

2.2.     L’efficacité des programmes d’emploi est discutable.71

Proposition stratégique N°27. 73

2.3.     L’information sur le marché de l’emploi ne constitue pas une aide à la prise de décision. 73

Proposition stratégique N°28. 74

2.4.     Des opportunités d’emploi salarié du marché mondial ne sont pas saisies. 74

Proposition stratégique N°29. 75

D.        QUATRIEME partie : Peut-on promouvoir l’emploi par de meilleures relations du travail?. 76

1.     Introduction. 77

2.     Axes d’amélioration. 77

2.1.     Le cadre du dialogue social ne contribue pas à la promotion de l’emploi77

Proposition stratégique N°30. 79

2.2.     Le code du travail : des concepts non clarifiés à la base de rigidités inutiles et de dérapages.79

Proposition stratégique N°31. 81

2.3.     La gestion des ressources humaines par compétences est encore embryonnaire. 81

Proposition stratégique N°32. 82

E.        CINQUIEME partie : Peut-on promouvoir l’emploi par une meilleure clarification du rôle de l’Etat, de la Région et de la Société Civile dans le développement économique.83

1.     Faiblesses et menaces. 84

1.1.     Persistance des interférences entre le rôle de «l’Etat puissance publique»,  de « l’Etat actionnaire» et de «l’Etat prestataire de services ». 84

1.2.     L’Etat, un rôle dans le développement en mal de clarification et de consensus.84

1.3.     Une politique unique mais un impact différencié selon les régions:85

Proposition stratégique N°33. 85

1.4.     La région peut-elle devenir acteur et responsable de son  développement ?. 86

Proposition stratégique N°34. 87

CONCLUSION.. 88

 


COMITE D`ORGANISATION DE LA CONSULTATION NATIONALE SUR L`EMPLOI

 

Président : Moncer ROUISSI

Rapporteur General : Said BEN SEDRINE, Professeur d’Economie du Travail,

 

Soutien Logistique : Agence Nationale de l’Emploi et du Travail Indépendant

Hamadi BOULARES,  Directeur Général de l’Agence Nationale de l’Emploi et du Travail Indépendant,

Ali BEN ABDELAZIZ, Directeur, Agence Nationale de l’Emploi et du Travail Indépendant,

Miloudi GOUBANTINI,  Directeur, Agence Nationale de l’Emploi et du Travail Indépendant,

Responsable du Site Web : Ezzeddine BEN MERIEM, Responsable du Système d’Information à l’Agence Nationale de l’Emploi et du Travail Indépendant,

Secrétariat :

Ouahiba TOUMI

Hedia MAKHLOUF

 

Membres (Par ordre Alphabétique du nom):

            Mohamed AGREBI,

Habib ATTIA, Professeur de Géographie,

Kamel AYADI, Ancien secrétaire d’Etat, Membre de la Chambre des Conseillers,

            Moncef BARCOUS, Industriel, Membre du Bureau Exécutif de l’UTICA,

Mongi BEDOUI, Expert indépendant, Membre de la Chambre des Conseillers,

Sadok BELHAJ HASSINE,        

Mohamed BEN ABDALLAH, PDG de l’API,

Hamed BEN DHIA, Recteur de l’Université du Sud,

            Esma BEN HAMIDA,

            Tahar BEN LAKHDHAR, Professeur,

Moncef BEN SAID, Ancien Secrétaire d’Etat à la Formation Professionnelle,

            Tarek BEN YAHMED, Industriel, Membre du Bureau Exécutif de l’UTICA,

Salwa BEN ZAGHOU, Directrice Générale de l’Institut d’Economie Quantitative,

Mongi BOUGHZALA, Professeur d’Economie,

Jamel BOUMEDIEN, Professeur d’Economie,

Lotfi BOUZAÏANE, Professeur d’Economie,

Abid BRIKI, Membre du Bureau Exécutif de l’UGTT,

Mongi CHERIF, Membre du Bureau Exécutif de l’UTAP,

            Aziz DARGHOUTH, Industriel,

Ridha FERCHIOU, Président du Conseil National de la Statistique,

Rached FOURATI, Directeur  Général de KPMG,

Jamal GUEMARA, Expert Indépendant,

Lamine HAFSAOUI, Président Directeur Général de la Banque tunisienne de Solidarité,

Noureddine HAJJI, Directeur Général de Ernst§ Young,

Abelaziz HALLEB, Expert Indépendant,

Ali HAMDI, Directeur Général de l’Emploi, Ministère de l’Emploi et de l’Insertion Professionnelle des Jeunes,

Hamadi HEBAÏEB, Chargé de Mission au Programme 21-21,

Mansour HELAL, Professeur de Droit du Travail,

Monia JEGUIRIM SAÏDI, Présidente du Centre des Jeunes Dirigeants,

            Maher KALLEL, Directeur du Département de l’essaimage, Groupe POULINA,

Faïza KALLEL KCHAOU, Directrice Générale de l’Observatoire de l’Emploi et des Qualifications, Ministère de l’Emploi et de l’Insertion Professionnelle des Jeunes,

            Mohamed KCHAOU,

Abdessattar MABKHOUT, PriceWaterHouse Coopers

Hédi MAMOU, Expert indépendant, Ancien Directeur Général de l’Institut d’Economie Quantitative,

Abdesselem MANSOUR, Président Directeur Général de la BFPME,

Tahar MILI, Expert indépendant,

Abdessattar MOUELHI, Directeur de l’Institut National du Travail et des Etudes Sociales,

Brahim OUESLATI, Directeur Général de l’Observatoire de la Jeunesse,

            Slim TLATLI, Premier Conseiller à la Présidence de la République,

            Mohamed SEHIMI, Membre du Bureau Exécutif de l’UGTT,

            Bechir TALBI, Professeur d’Economie,

            Abdelhamid TRIKI, Secrétaire d’Etat,

Imed TURKI, Directeur Général, Ministère de l’Emploi et de l’Insertion Professionnelle des Jeunes,

            Mustapha ZAANOUNI, Ancien Ministre,

            Hédi ZAÏEM, Professeur de Statistique,

Hassen ZARGOUNI, Président Directeur Général de SIGMA CONSEIL, Président  de l’Association Tunisienne des Grandes Ecoles (ATUGE)

Lassaaad ZARROUK, Directeur Général de la Sécurité Sociale, Ministère des Affaires Sociales, de la Solidarité et des Tunisiens à l’Etranger,

PRESIDENTS DES COMITES REGIONAUX D`ORGANISATION DE LA CONSULTATION NATIONALE SUR L`EMPLOI (Par ordre Alphabetique du nom):

Abdelmajid ATOUANI, Directeur de l’Institut Supérieur des Etudes Appliquées en Sciences Humaines,Gafsa           

Maher AZZOUZI, Directeur de l’Ecole Supérieure de Commerce,  Zaghouan

Hechmi BANNOUR, Directeur de      Mahdia

Mohamed Sadok BELKADHI,Directeur Régional de l’Institut des Zones Arides                                                     Kebili

Hafedh BEN ABDENNEBI, Directeur de l’Ecole Supérieure de Commerce,                                                                       Manouba

Ezzeddine BEN BRAIEK,Directeur de l’Institut Supérieur des Etudes Technologiques,                              Bizerte

Slaheddine BEN FREDJ,                      Tunis

Mohamed Adel DHIF, Doyen de la Faculté d’Economie et de Gestion, Nabeul

Boubaker ELLEUCH, Directeur de l’Institut Supérieur des Etudes Technologiques,                                  Sfax

Moncef GOSSA, Directeur de l’Institut Supérieur des Etudes Technologiques,                                                     Ben Arous

Larbi HANNACHI, Secrétaire Général de l’Université de Jendouba,           Jendouba

Adel KALBOUSSI,Professeur, Faculté des Sciences de Monastir,     Monastir

Hassen KHATTALI,                              Medenine

Essaied LAATAR, Directeur de l’Institut Supérieur des Etudes Technologiques,                                                    Kairouan

Mustapha MDAINI,                            Kasserine

Mohamed MHAMDI,                         Beja

Mohamed MENSI, Directeur de l’Institut Supérieur des Etudes Technologiques,                                                 Siliana

Mohamed MOKNI, Directeur Général du pôle Technologique de Sousse,                                                            Sousse

Mabrouk MONTACER,                       Gabes

Adessatar MOUELHI,                         Ariana

Bouzid NASRAOUI,                             Le Kef

Ahmed OUEDERNI,                            Tataouine

Mohamed Sghaier ZAAFOURI,          Sidi Bouzid

Ali ZOUBA,                                         Tozeur


INTRODUCTION

 

Le 1er mars 1998, l'accord d'association Tunisie-Union Européenne est entré en vigueur. 

 

Deux ans auparavant, et en prévision de cette échéance, une stratégie de mise à niveau de l’économie a été érigée en priorité nationale. Elle devait conduire les entreprises tunisiennes à des niveaux de compétitivité à même d'assurer au pays la maîtrise des conditions de leur insertion dans l’économie mondiale. Pour cela, elle devait casser le cercle vicieux du positionnement  de l’économie dans des activités à faible valeur ajoutée, tirant leur compétitivité de coûts salariaux faibles et utilisant un personnel de faible qualification.

 

A la même période, la Tunisie devait se préparer à faire face à une forte pression sur le marché du travail due à la démographie, à l’accroissement  de l’activité féminine, à l’extinction du flux migratoire et à l’arrivée de promotions de plus en plus nombreuses de diplômés de l’enseignement supérieur.       

 

Anticipant ces évènements, le Président de la République ordonna  le 7 Novembre 1997 la tenue d’une Conférence Nationale sur l’Emploi.

 

Tenue au mois de juillet 1998, celle-ci a permis l’émergence d’un consensus national fort entre les acteurs de la société civile exprimé par  une « DéclarationNationale sur l’Emploi» par laquelle les signataires affirment que  l’emploi est une priorité nationale et une responsabilité partagée.

 

Au cours de la décennie 1998-2007, la Tunisie a réalisé de bonnes performances en termes de croissance, en dépit d'une conjoncture internationale difficile. Le taux de croissance a été d’environ 5% au coursde cette période, ce qui a permisd'augmenter le revenu par habitant (exprimé en $ constant corrigé par la parité du pouvoir d’achat) de moins de 5 000 $  en 1995 à plus de 8 000 $ en 2007. Grâce à ces performances économiques, le PIB par tête d’habitant, corrigé PPA, dépassera 10 000$ à partir de 2010, ce qui habilitera la Tunisie à faire partie de la cinquantaine de pays les plus riches au monde.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cependant, les performances en matière d’emploi ont été plus modestes que les performances économiques.

 

Bien que le taux de chômage général ait été réduit de 2 points, celui des diplômés de l’enseignement supérieur a augmenté, passant de 9% à plus de 17%. En juillet 1998, au moment de la tenue de la première Conférence Nationale sur l’Emploi, les diplômés de l’enseignement supérieur en difficulté d’insertion professionnelle étaient au nombre de 18 mille. Leur nombre est de l’ordre de 80 mille en 2008. Par ailleurs, si le taux de chômage a baissé au niveau national entre 2004 et 2007, il a par contre augmenté dans près de la moitié des gouvernorats.

 

Le XIème plan de développement économique et social  prévoit pour la période 2007-2011 une croissance économique encore plus soutenue avec un contenu emploi plus important, notamment pour ce qui concerne l’emploi qualifié. Mais ces perspectives réconfortantes de croissance et de revenu ne sauraient cacher des perspectives réellement préoccupantes d’évolution du marché de l’emploi. 

 

C’est dans ce contexte que le Président de la République ordonna, dans son discours du 7 Novembre 2007, à l’occasion de la commémoration du 20e anniversaire du changement, la tenue, courant 2008, d’une Consultation Nationale sur l’Emploi ouverte à toutes les forces vives de la nation, en vue d’examiner en profondeur les  facteurs qui s’opposent à la création par l’économie de plus et mieux d’emplois qualifiés, préconiser et identifier des approches innovantes en matière d’identification des voies et moyens pour neutraliser ces facteurs, de pistes et créneaux porteurs de nouvelles opportunités de croissance et d’emploi et de lui faire des propositions opérationnelles pour accélérer la création d’emploi dans toutes les régions et dans tous les secteurs de l’activité économique.

 

Constitué le 23 février 2008,  le Comité National d’Organisation de la Consultation Nationale sur l’Emploi était composé de compétences nationales de divers horizons : universitaires, experts, hommes d’affaires opérant dans divers secteurs, représentants des partenaires sociaux, du tissu associatif et, plus tard, des partis politiques, responsables administratifs… Après trois réunions de brainstorming et d’analyse préliminaire des déterminants de l’emploi et du chômage, le Comité National a abouti à un regroupement de ces déterminants en trois axes stratégiques :

·           Axe 1 «Entreprise, Croissance et Emploi», avec en particulier la recherche des causes qui font que l’entreprise ne crée pas suffisamment d’emplois. C’est l’axe des déterminants de l’emploi en rapport avec la compétitivité de l’entreprise et de l’économie.

·           Axe 2 «Education, Formation et Emploi», ou pourquoi un grand nombre de demandeurs d’emploi n’a ni le profil recherché par les entreprises ni les compétences requises. C’est l’axe des déterminants de l’emploi en rapport avec l’employabilité des jeunes.

·           Axe 3 «Marché du travail et qualité de l’emploi», ou comment se présentent les dysfonctionnements du marché de l’emploi ainsi que leur impact sur la dynamique de création des emplois. C’est l’axe des déterminants de l’emploi en provenance du marché du travail en termes d’efficacité des instruments de régulation, de la qualité des relations de travail, du climat social et du dialogue social au sein de l’entreprise.   

 

Dans un souci d’efficacité, le Comité a aussitôt choisi de travailler, dans un premier temps, en sous groupes et de créer trois commissions  chargées chacune de traiter la question en termes d’état des lieux et de diagnostic  et en termes de défis et d’opportunités sur chacun des trois axes stratégiques.

 

Les travaux de chacune de ces 3 commissions, élargies à d’autres participants, ont fait l’objet de rapports préliminaires qui ont permis d’élaborer des « termes de référence » pour la Consultation Nationale élargie au triple niveau local, régional et des grands bassins d’emploi.

 

Les Comités Régionaux d’Organisation de la Consultation Nationale sur l’Emploi  ont été mis en place dès la mi-mai ; ils étaient composés notamment, sous la présidence d’un universitaire, de représentants des partis politiques, des partenaires sociaux, du tissu associatif, de l’Inspection du travail, …

 

Les Présidents de ces comités ont été invités le 19 mai à une réunion élargie du Comité National d’Organisation de la Consultation Nationale sur l’Emploi qui avait pour objet de prendre connaissance des résultats des travaux entrepris par les trois commissions nationales. Après discussions et débat autour de ces travaux et adoption des termes de référence de la Consultation aux niveaux local et régional, il a été notamment convenu de la constitution, au niveau régional de trois commissions de réflexion à l’instar des commissions constituées au niveau national en même temps que d’une quatrième commission dédiée à l’examen du « rôle de la région en tant que pôle de développement » et d’organiser un atelier d’écoute des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur en difficulté d’insertion

 

La Consultation s’est poursuivie jusqu’à la fin du mois de juillet dans l’ensemble des gouvernorats, délégations et imadats et fut couronnée par des conférences de restitution et de synthèse tenues à cet effet au niveau des six grandes régions économiques du pays.

 

Parallèlement, le Comité National, élargi à un nombre plus important de participants, a poursuivi ses travaux au niveau central par la tenue d’une cinquantaine de réunions entre rencontres sectorielles et ateliers thématiques et ce aux niveaux à la fois régional et central.

 

Au terme des travaux de cette Consultation et au lendemain de la Conférence Nationale qui s’est tenue les 7 et 8 octobre 2008, l’on est en droit de se poser la question de savoir dans quelle mesure le rendu de ces travaux répond-il à la commande du Président de la République qui, se faisant l’écho d’attentes fortes du pays, a tenu à mettre en relief la portée et l’ampleur des défis à relever en matière d’emploi.

 

En invitant la société civile à prendre part au combat du pays contre le chômage, il a engagé un véritable pari sur sa capacité de réponse à ces attentes. A cet égard, et depuis qu’il a annoncé sa décision d’organiser une Consultation Nationale sur l’Emploi, le Chef de l’Etat n’a cessé d’appeler à  un dialogue approfondi qui, pour aller au fond des choses et aboutir à des solutions réellement innovantes et porteuses d’avenir, doit passer nécessairement par un débat libre, franc et sans a priori ni interdit.

 

La tâche n’était pas aisée : cet exercice de réflexion collective se devait de mobiliser la Tunisie avec toutes ses potentialités[1] dans un effort de réflexion et d’imagination collectives pour identifier, éventuellement, des voies inexplorées pour plus et mieux de croissance et d’emploi et se garder de « réinventer » les solutions préconisées par les XIème Plan et XIIe plans.

 

Sept mois durant, les participants à la Consultation ont fait preuve d’un engagement remarquable dont témoigne une disponibilité qui contraste avec leurs obligations professionnelles souvent prenantes et contraignantes. De par son mode participatif, large, diversifié et impliquant une expertise nationale de haut niveau, ainsi que par la qualité des débats, ouverts, francs et audacieux, la Consultation s’est proposée de créer les conditions d’une large mobilisation de tous les acteurs autour de l’emploi.

 

La conduite des débats se présentait comme un exercice soutenu de méthodologie d’écoute attentive de tous et de respect des points de vue quelles que soient leurs divergences. Les synthèses récurrentes et fréquentes devaient baliser systématiquement le cheminement des débats et aider à l’émergence progressive de rapprochements d’idées et à la construction séquentielle mais cumulative de consensus autour de sujets souvent d’une grande complexité. La motivation des participants augmentait à mesure de la progression des travaux et se transformait progressivement en enthousiasme d’acteurs qui ont fini par « y croire ».

 

d’où une véritable explosion d’idées, d’hypothèses, de scenarios… dont la richesse est telle que le présent document ne saurait, pour des raisons pratiques, restituer dans toute leur richesse, leur pertinence et leur diversité; soulignons simplement l’existence de cette mine d’informations précieuses dont l’exploitation reste à poursuivre. Mais le véritable gisement de richesses révélé par la Consultation est incontestablement celui des compétences et des qualités professionnelles et humaines  des hommes et des femmes qui, à la faveur d’un débat sans contraintes, ont accepté de révéler la vraie profondeur du potentiel qu’ils recèlent.

 

Au stade actuel, et par delà la pertinence des résultats exposés synthétiquement, le présent document réfère à un diagnostic rigoureux et partagé des freins à la croissance et à l’emploi doublé d’une communauté d’objectifs et visions également partagés des voies et moyens pour créer plus et mieux d’emploi. Il permet de compter sur une grande capacité de mobilisation pour la mise en œuvre effective de toute stratégie établie à cet effet. 

 

On conviendra que c’était une gageure. La Conférence Nationale sur l’Emploi, tenue les 7 et 8 Octobre 2008 avec la participation de tous les acteurs de la société  civile et en particulier de l’élite des milieux des affaires, universitaires et politiques a apporté la preuve que ce pari a été largement gagné.

 

 


L’EMPLOI, UN DEFI AUX DIMENSIONS MULTIPLES :

LE CONTEXTE  ET LES URGENCES

La Tunisie connaît sur la durée de la décennie en cours un défi sans précédent en matière de demande d’emploi mais aussi une opportunité sans précédent en matière de développement économique et de création d’emploi.

 

Le défi vient du fait que, compte tenu de la démographie, si la situation actuelle venait à se poursuivre (une économie qui ne crée pas suffisamment  d’emploi et un système d’éducation et de formation qui produit des profils faiblement employables), le chômage parmi les diplômés du supérieur pourrait atteindre 26 % en 2016.

 

L’opportunité vient du fait que la charge des inactifs (jeunes et retraités) supportée par chaque actif passe par un minimum, offrant ainsi l’opportunité d’une plus grande marge d’épargne et donc de financement de l’investissement, un potentiel de croissance et une opportunité d’accélérer le développement économique et le progrès social ([2]). Toutefois, la mise à profit réelle de ce « cadeau démographique » est conditionnée par une capacité plus forte de l’économie à créer des emplois en nombre suffisant pour absorber le maximum d’actifs d’une part, et par la capacité du système éducatif à fournir les qualifications correspondantes à ces emplois d’autre part.

 

L’emploi est un défi aux dimensions multiples.

 

Bien que la Tunisie ait fait des progrès remarquables dans tous les domaines, les résultats en matière d’emploi restent en dessous de ce qui est escompté.

 

La situation de chômage  concerne un demi million de tunisiens, sans compter ceux et surtout celles qui, ne voyant pas de perspectives professionnelles, se sont retirés du marché du travail. Parmi eux, près d’une centaine de milliers, dont de plus en plus de diplômés de l’enseignement  supérieur, est à la recherche d’emploi depuis des années et approche de la quarantaine sans avoir connu véritablement un statut d’employé. Le célibat prolongé est devenu une caractéristique de la jeunesse. La grande majorité des hommes  (85%) et plus de la moitié des femmes se marient au-delà de 30 ans. La situation de sous-emploi de la jeunesse y est probablement pour quelque chose.

 

Trois facteurs se conjuguent pour rendre la perception du  chômage encore plus aigüe :

·           le chômage  concerne essentiellement les jeunes et surtout les diplômés de l’enseignement supérieur. La difficulté d’insertion augmente avec le niveau éducatif et s’inscrit en sens inverse des attentes des familles et de la société.

·           le chômage affecte différemment les régions avec des disparités qui atteignent parfois 15 points de différence entre certaines d’entre elles en termes de taux de chômage de la population adulte (de 6% à 21% en 2007).

·           le chômage  touche davantage les femmes que les hommes avec un écart de plus de 5 points en termes de taux.

 

La conjonction de ces quatre facteurs (région, genre, génération, niveau d’éducation) ne va pas sans affecter le moral de la nation et questionne le modèle social tunisien et ses choix fondamentaux: l’éducation pour tous comme principale voie de promotion sociale, l’émancipation de la femme et la liaison permanente entre la dimension  économique du développement et sa dimension sociale.

 

L’éducation en tant qu’ascenseur social, serait-elle en panne? L’effort ne semble pas être  récompensé à sa juste valeur ; il serait à craindre dans ce cas que d’autres voies déviantes, voire dangereuses pour l’individu et pour la société et en tout cas contraires à l’éthique soient empruntées par les jeunes à la recherche de promotion sociale.

 

Les filles sont scolarisées comme les garçons, réussissent mieux leurs études, sont majoritaires au niveau de l’enseignement supérieur mais sont nettement plus exposées au chômage.

 

Par ailleurs, si la croissance et le revenu par tête d’habitant sont des indicateurs macro-économiques calculés au niveau national, l’emploi est quant à lui vécu au quotidien et perçu par l’individu au niveau local et existentiel.

 

S’attaquer efficacement au problème du chômage, nécessite une recherche minutieuse de ses racines et causes profondes et demande souvent la prise de mesures dont l’effet ne pourra se faire sentir que dans le moyen terme. Toutefois et pour que les actions en profondeur puissent être menées avec sérénité, il faudrait donner aussi des réponses à effet immédiat à des urgences.

 

Trois situations d’urgence ont émergé des divers travaux de la consultation :

 

·                Donner la priorité à la lutte contre le chômage de longue durée, surtout parmi les diplômés de l’enseignement supérieur.

 

En Tunisie, le chômage est un chômage d’insertion et non un chômage de licenciement. Près de 80% des chômeurs recensés en 2004 sont âgés de moins de 35 ans et le taux de chômage de cette catégorie ne cesse d’augmenter malgré la baisse du taux de chômage général.

 

A la fin du premier semestre 2008, il a été possible de recenser près de 25 mille diplômés de l’enseignement supérieur, à la recherche d’un emploi et inscrits à cet effet aux bureaux de l’emploi depuis plus de deux ans de manière régulière et pour lesquels les instruments de la politique active de l’emploi n’ont pas pu procurer une voie d’insertion.

 

Près de la moitié de ce noyau dur est constitué, au niveau national, par les diplômés en comptabilité, gestion, commerce, droit, lettres arabes.

 

 

 

Toutefois la cartographie du profil du noyau dur varie selon les régions. Dans les régions du Centre-Ouest, la part des diplômés en lettres arabes est plus importante que dans les autres régions.

 

L’accumulation de ce noyau dur est par ailleurs influencée par la variation de l’efficacité des programmes d’emploi selon les régions. Indépendamment du mauvais ciblage, il y a lieu de souligner le manque absolu d’efficacité des programmes d’emploi dans les régions ouest. Si au Nord-Est, les bénéficiaires des programmes gérés par l’ANETI (SIVP1 et Prise en charge de 50% du salaire) s’insèrent plus facilement que les non bénéficiaires (différentiel de près de 30 points dans les régions colorés en vert foncé sur la carte ci-après), dans les régions de l’Ouest, ces programmes n’ont aucun effet sur l’insertion (régions colorées en rouge).

 

 

 

·      Lutter contre le chômage dans les régions de l’Ouest pour éviter de consacrer la situation d’un pays à deux vitesses

 

Que l’on décrive le paysage national en matière d’emploi  par le taux de chômage général, par celui des  adultes ou celui des jeunes, on arrive à peu près à la même conclusion: l’existence d’un premier ensemble de gouvernorats situés grosso-modo à l’est du pays où le taux de chômage varie entre 6 et 10 % (en vert foncé sur la carte) et un second ensemble, situé grosso modo à l’ouest du pays, où ce taux est pratiquement le double (de 16 à 21%, en rouge sur la carte).

 

Le fait de savoir  si le taux de chômage global baisserait à tel horizon de un  ou de deux points devient de ce fait tout à fait accessoire. Le véritable enjeu  est de savoir comment réussir une marche forcée des régions de la zone Ouest du pays pour qu’elles rattrapent leur retard sans freiner le développement des régions de la zone Est.

 

 

 

 

·      Lutter contre l’exclusion des femmes du marché de l’emploi

 

Le chômage féminin est, dans les faits, plus important que ce qu’indiquent les statistiques. En effet,  beaucoup de femmes  se retirent du marché de l’emploi, n’y voyant pas de perspectives. Le taux d’activité féminin est en effet faible dans les régions où le taux de chômage est élevé; il augmente rapidement dans les zones où le taux de chômage général est plus faible.

 

La part  des femmes âgées de 20 à 29 ans dans la population active (la tranche d’âge la plus active) est supérieure à 40% dans les régions colorées en vert sur la carte ci-après (voire 50% dans les zones colorées en vert foncé) ; cette part tombe à moins de 30% dans les régions colorées en rouge foncé. Le taux de chômage féminin en dehors des régions du Nord-est et du Centre-est serait, de ce fait, plus important  que ce qui est donné par les recensements.

 

 

Proposition stratégique N°1 : mesures à effet immédiat

 

 Objectif :    Insérer en moins de 2 ans la totalité des diplômés de l’enseignement supérieur des promotions 2005 etavant(25 000)et éprouvant des difficultés d’insertion et empêcher que le noyau dur du chômage ne se reconstitue.

 

 

 

Cet objectif sera atteint grâce à la mise en œuvre coordonnée des mesures suivantes:

 

Mesure 1 :

 

Le Ministère de l’Emploi crée un instrument « Apprentissage-Cadre », géré par les services publics de l’emploi, qui permet aux entreprises d’engager des « apprentis-cadres » parmi les diplômés de l’enseignement supérieur en difficulté d’insertion. Le bénéfice de cet instrument est accompagné d’une formation-adaptation définie à partir du besoin de l’entreprise d’accueil, réalisée selon un référentiel professionnel et prise en charge par un opérateur qualifié. Durant l’apprentissage, l’apprenti-cadre perçoit de la part de l’entreprise une indemnité égale à un SMIG et demi, l’Etat prend en charge les charges sociales ainsi que le coût de la formation-adaptation.

 

Mesure 2 :

 

·        Le Ministère de l’Emploi crée un label d’ « entreprise citoyenne ». Ce label est octroyé annuellement aux entreprises qui augmentent leur effectif de 10 % au cours de l’année précédente. La « déclaration de l’employeur » effectuée annuellement par les entreprises sert comme base pour l’attribution du label.

 

·        Le Ministère de l’Emploi crée un label d’ « entreprise apprenante ». Ce label est octroyé annuellement, selon un référentiel normalisé, aux entreprises qui disposent d’une structure en charge de la formation et qui accueillent des stagiaires en alternance ou des apprentis.

 

·        Le Ministère en charge des PME crée un label « d’entreprise à bonne gouvernance ». Ce label est octroyé annuellement aux entreprises qui créent et maintiennent les fonctions qui assurent la bonne gouvernance, selon un référentiel normalisé.

 

·        Les entreprises titulaires du label «  entreprise citoyenne » ou d’ « entreprise apprenante » ou « entreprise à bonne gouvernance » ont une priorité en matière d’achat public. A partir de 2010, seules les entreprises labellisées pourront fournir les achats publics.

 

 

 

Mesure 3 :

 

·        Favoriser la création par les demandeurs d’emplois formés dans les domaines de la finance, de la comptabilité, de la fiscalité, de l’assistance juridique et du conseil managérial d’au moins  200 « Centres d’Appui à la Gestion ». Chaque  centre assurera le recrutement d’un nombre minimum de cinq collaborateurs et sera coaché par des professionnels reconnus dont des membres du Conseil de l’Ordre des experts comptables.

 

·        Les PME qui font appel aux services des « Centres d’Appui à la Gestion » bénéficient d’une réduction permanente de 30% sur le taux en vigueur de l’impôt sur les sociétés.

 

·        La Banque Tunisienne de Solidarité finance la création des « Centres d’Appui à la Gestion ».

 

Nota : Outre son impact sur l’emploi des diplômés dans les spécialités de la gestion, cette mesure vise aussi à encourager notamment les 350 mille entreprises qui sont aujourd’hui dans le régime forfaitaire à opter pour un régime fiscal réel et ce dans le but de les encourager à adhérer à un processus de transparence fiscale, sociale et comptable,  qui est notoirement plus intéressant pour la collecte de l’impôt au profit du Trésor Public.

 

Mesure 4 :

 

·        Transformer les cellules d’action sociale en Associations d’Animation de la Vie Scolaire qui agissent dans un cadre contractuel avec les Collèges et les Lycées, représentés par leur conseil d’établissement,  pour leur fournir des prestations d’encadrement, d’animation culturelle et sportive, d’appui scolaire, d’action sociale et sanitaire, d’appui à la gestion de l’établissement et d’information professionnelle.

 

·        A l’effet d’assurer leurs prestations, ces associations engagent des diplômés de l’enseignement supérieur éprouvant des difficultés d’insertion. L’adaptation professionnelle des candidats est assurée avec le programme « apprentissage-cadre » par rapport  à des référentiels de prestation des services de la vie scolaire.

 

·        Les conseils des collèges et des lycées signent avec le Ministère en charge de l’Emploi des conventions de financement de ces associations sur la base de résultats d’indicateurs d’atteintes de résultats.

 

Mesure 5 :

 

Il est institué une taxe de 1% sur toutes les communications par GSM dont le produit contribue au financement le programme « apprentissage-cadre » et une partie des activités des associationsde la vie scolaire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

A.   Première Partie: L’économie peut-elle créer plus et mieux d’emplois?

 

 

 

Pourquoi l’économie tunisienne ne crée-t-elle pas suffisamment d’emplois?

 

Pourquoi ne crée-t-elle pas plus d’emplois  qualifiés ?

 

Le schéma de développement est-il en mesure de générer une croissance plus riche en emplois qualifiés ?


 

1.    Introduction

 

La Tunisie a réalisé tout au long de la décennie 1997-2006 de bonnes performances en termes de croissance, en dépit d'une conjoncture internationale difficile. Le taux de croissance a été d’environ 5% au cours de cette période, ce qui a permis d'augmenter le revenu par habitant de 2090 dinars en 1996 à 4389 dinars en 2007 et, par conséquent, d’améliorer l'indicateur de rattrapage des pays de l'OCDE qui est passé de 25% en 1996 à 30% en 2007. 

 

Le XIème plan s’est fixé pour objectif la réalisation d’un taux de croissance moyen de 6.1% au cours de la période 2007-2011. Ce niveau de croissance doit pouvoir permettre la création de 412 mille nouveaux postes d’emplois, avec une moyenne annuelle de 82.4 mille postes, et donc de réduire le taux de chômage général de 14.3 % en 2006 à 13.4% en 2011 et celui des diplômés universitaires de 16.0% en 2006 à 15.6% en 2011 ([3]).

 

Ainsi, le schéma de développement adopté par le XIème plan ne sera  pas en mesure de générer suffisamment d’emplois pour réduire de manière significative le taux de chômage, notamment celui des diplômés de l’enseignement supérieur, et sans une approche volontariste et innovante, le taux de chômage restera encore à deux chiffres  en 2016.

 

Par ailleurs, le XIème plan compte essentiellement sur l’expansion de l’économie du savoir, qui est un modèle de croissance basé sur la création, l’acquisition, la transmission et l’utilisation efficiente des connaissances, et où tous les secteurs devraient contribuer à la croissance de l’emploi qualifié et à l’amélioration de la productivité du travail. Le XIème plan a cependant souligné l’existence d’un handicap à l’insertion de la Tunisie dans l’économie basée sur la connaissance au niveau de la productivité du travail, estimée actuellement à 1,4 %. Bien que représentant le double de la moyenne de la région MENA, la productivité est en dessous de la moyenne relevée dans les grandes régions économiques comme par exemple l’Asie du Sud (2,3 %) ou l’Asie de l’Est (5,3 %) ([4]).

 

De plus, et si la Tunisie semble avoir enregistré des progrès au niveau de sa réceptivité à l’économie du savoir au cours des dernières années ([5]), ces  progrès ne sont pas encore à la hauteur du défi à relever pour faire face aux enjeux de la prochaine décennie. En effet, l’insertion des entreprises d’un pays dans l’économie basée sur la connaissance nécessite des actions coordonnées sur les quatre axes, reconnus aujourd’hui comme  piliers principaux de cette économie:

 

·         des ressources humaines éduquées, formées et entreprenantes,

·         un système d’innovation bien articulé avec le milieu productif et capable de donner de la valeur aux connaissances développées au niveau national et international par leur diffusion dans les entreprises,

·         une infrastructure d’information performante et qui bénéficie au plus grand nombre.

·         un cadre règlementaire qui favorise les entreprises qui créent plus de  valeur et qui pénalise celles qui ne sont pas  efficaces. 

 

Or, le diagnostic réalisé par les trois commissions montre que l’insertion de l’entreprise tunisienne dans l’économie basée sur le savoir se heurte à une multitude d’obstacles sur chacun de ces  quatre axes.

 

En tout état de cause, on ne construit pas une économie basée sur la connaissance par le simple accroissement des effectifs des diplômés de l’enseignement supérieur. Il faudrait que ces diplômés  travaillent et occupent des emplois qui dégagent une forte valeur ajoutée. Il faudrait surtout piloter le repositionnement de l’économie tunisienne dans cette nouvelle économie et mettre en cohérence le système d’éducation et de formation avec ce repositionnement.

 

Le XIème plan n’indique pas clairement les mécanismes à mettre en place pour piloter et surtout susciter ce repositionnement en dehors de l’amélioration du climat des affaires. 

 

Sur un plan plus général, les objectifs du XIème plan risquent fort d’être contrariés par une série de facteurs et notamment en raison de l’amplitude des chocs que subit notre pays comme d’ailleurs beaucoup d’autres pays: choc énergétique, choc de la flambée des matières premières et des produits alimentaires, choc des dérives d’un marché financier mondial mal régulé.

 

Nonobstant cette conjoncture, est-il possible à l’économie tunisienne de créer plus d’emplois et de contribuer à  faire baisser rapidement le taux de chômage à moins de 10% et de faire bénéficier toutes les régions de cette avancée ? La Consultation Nationale sur l’Emploi a permis de constater que cet objectif est réalisable et a révélé une forte disponibilité de l’ensemble des composantes de la société civile tunisienne à se mobiliser pour relever le défi de l’emploi et de la compétitivité du pays.

 


 

2.           Axes d’amélioration :     

 

Les travaux de la Consultation ont permis de dégager quatre causes majeures à l’insuffisance de  création d’emplois par l’économie :

 

2.1.      La société tunisienne ne valorise pas le travail et l’Entreprise.

 

La société tunisienne n’associe pas le gain et l’effort.  Le profit est souvent présenté comme provenant de rentes ou d’activités et de comportements illégitimes.

 

L’entreprise, lieu naturel de création et d’accumulation des richesses, est perçue comme extérieure à la société et l’Administration se comporte le plus souvent vis-à-vis d’elle davantage comme contrôleur que comme soutien et structure d’appui

 

Au niveau du citoyen, il y a déconnexion entre travail, valeur produite et salaire perçu.

 

Les jeunes ne perçoivent pas de signaux forts et suffisamment concrets montrant que leur avenir professionnel est dans un secteur privé plus compétitif, plus créateur d’emplois qualifiés, plus ouvert à l’international, plutôt que dans le secteur public.  Le jeune se considère le plus souvent comme chômeur jusqu’à ce qu’il trouve un emploi dans le secteur public.

 

La culture entrepreneuriale est insuffisante. L’exemplarité et les success stories ne sont pas suffisamment utilisées.

 

2.2.      Une  mobilisation insuffisante autour de l’impératif de la compétitivité.

 

La mobilisation des acteurs  de la vie sociale et économique autour du fait  que seule  une entreprise florissante, parce que  compétitive et intégrée au marché mondial  est source de création de richesse et d’emploi, est insuffisante.

 

La conviction de l’entreprise que sa compétitivité sur les segments porteurs du marché mondial passe par le développement du travail décent, celui de la capacité de ses ressources humaines et de leur sentiment d’appartenance à l’entreprise, n’est pas non plus suffisamment bien établie.

 

Etablir des relations de travail sereines au niveau de l’entreprise et faire passer les ressources humaines d’une position de charges à celle de capital est un enjeu majeur pour l’entreprise tunisienne.

 

Pour cela, il faudrait trouver les voies et moyens, grâce à un dialogue social serein, apaisé et approfondi, de liquider les héritages d’un contexte caractérisé par une protection des travailleurs par des rigidités règlementaires au lieu et place d’une protection par la productivité du travail et la compétitivité de l’entreprise en même temps  qu’une prise en charge mutuelle des aléas économiques.

 

2.3.      Des gisements d’emploi sous exploités.

Gisement 1 :  le  facteur travail, notamment qualifié,  n’est pas favorisé

 

Les charges sociales sont calculées au prorata de la masse salariale et accroissent le coût du travail de près de 25%.

 

Le montant de ces charges ne pose pas problème en soi et il n’est pas considéré comme élevé  par rapport aux pays concurrents.

 

Cependant, son mode de calcul actuel pourrait inciter l’entreprise à ne pas intégrer la fabrication de semi-produits par elle-même ou par sous-traitance locale donc de créer de l’emploi en Tunisie et à préférer leur importation et à n’assurer que la dernière séquence de production, le montage.

 

Quand l’arbitrage entre facteurs productifs est possible, l’entreprise pourrait ne pas opter pour le travail en Tunisie, surtout avec la réduction des droits de douane à l’importation.

 

Le mode actuel de calcul des charges sociales défavorise donc l’emploi, notamment qualifié.

 

 

Proposition stratégique N°2

 

Objectif :     Favoriser le facteur travail qualifié par rapport au facteur capital. 

 

 

Mesure 1 :

 

Etudier les modalités pratiques pour calculer les charges sociales sur la base du chiffre d’affaires.

 

Nota1 : Les  factures  de vente pourraient faire apparaître le montant « charges sociales incluses » dans le montant hors taxe.  Cette  charge serait liquidée comme en matière de TVA avec une rubrique « charge collectée » et « charge déductible » et elle devrait être appliquée également aux importations en conformité de l'article III §4 du GATT.

 

 

Nota2 : Outre le fait qu’elle allège la charge des entreprises à forte intensité de travail et augmente celle des entreprises qui génèrent des chiffres d’affaires importants sans créer de l’emploi, cette mesure est de nature à augmenter les recettes des caisses sociales, puisque les importations vont leur générer des recettes, et à favoriser les produits nationaux par rapport aux produits importés et générer donc plus d’opportunité d’emploi.

 

Nota3 : L’information sur les salaires perçus par chaque employé nécessaire au calcul des retraites n’est pas perdue par ce système. En effet, chaque entreprise est tenue de faire chaque année une « déclaration d’employeur » dans laquelle sont déclarés tous les payements effectués au profit des personnes avec identification des bénéficiaires.

 

Nota4 : Un système similaire peut aussi être appliqué aux Administrations qui ne facturent pas et qui sont financés par Budget. Les charges sociales sont alors calculées sous forme de pourcentage du Budget Annuel et retenues à la source au profit de la CNRPS.

 

Gisement 2 : L’entreprise et le recrutement, une bonne relation qui reste à établir.

 

La tradition des conflits de travail constitue un obstacle au changement du positionnement vers plus de valeur ajoutée,  plus  d’emploi et mieux d’emploi.

 

Positionnées au bas de l’échelle de la valeur ajoutée, beaucoup d’entreprises ont adopté un modèle de compétitivité fondé sur la baisse des coûts, notamment le coût salarial. Dans ce modèle, le personnel a une faible qualification et il est substituable rapidement. La gestion des ressources humaines se ramène à faire baisser la masse salariale. Les relations de travail sont alors forcément de type conflictuel. 

 

Repositionner l’entreprise vers plus de valeur ajoutée, c’est adopter un autre modèle de compétitivité, utiliser d’autres modes de gestion des ressources humaines et recourir à d’autres profils de personnel, ce qui est de nature à instituer un autre type de relations de travail, caractérisées par leur durabilité et basées sur le développement des compétences du personnel.

 

L’héritage de relations de travail conflictuelles constitue actuellement un obstacle à plus d’emploi; il risque de constituer unobstacle au changement de positionnement vers plus de valeur ajoutée et mieux d’emploi.

 

Le dialogue social n’ a pas encore permis de trouver le moyen pour que l’entreprise ait à chaque instant le personnel dont elle a besoin en fonction de son niveau d’activité et des exigences du marché.

 

Les organisations des employeurs demandent plus de flexibilité dans les relations de travail en rendant possible la modulation du temps de travail, en organisant mieux l’intérim et en diminuant les rigidités des procédures du licenciement, notamment individuel.

 

Les syndicats des employés demandent la promotion du travail décent et la mise en place d’un système de « réinsertion/accompagnement/garantie d’un revenu de transition » avec une responsabilisation des organisations professionnelles et syndicales dans la gestion de ce système dans un cadre partenarial avec les services publics d’emploi.

 

 

Proposition stratégique N°3

 

Objectif : Réconcilier l’entreprise avec le recrutement. 

 

 

Mesure 1 :

 

Amender le code du travail pour mettre en cohérence notamment ses articles 79, relatif à la durée du travail, et 90, relatif au décompte des heures supplémentaires, de manière rendre possible la modulation du temps de travail qui pourrait être adoptée par les partenaires sociaux selon les spécificités sectorielles.

 

 

Gisement 3 :   L’entreprise n’est pas incitée à se repositionner sur des activités à plus forte valeur ajoutée  ou comment favoriser l’insertion dans l’économie basée sur les connaissances ?

 

La politique d’incitation à l’investissement est historiquement associée à deux instruments principaux qui ont fortement marqué la structure du tissu économique tunisien, mis en place au début des années 70

 

Malgré l’option prise pour son intensification, le modèle de croissance adopté continue à utiliser des instruments d’incitation et de régulation d’un modèle extensif qui est un modèle basé sur l’augmentation des quantités de facteurs (capital et travail) et non sur l’augmentation de l’efficacité de l’utilisation de ces facteurs. La persistance d’un taux de chômage des diplômés élevé malgré la priorité politique donnée à leur emploi est un révélateur de l’obsolescence des outils d’incitation.

 

Les systèmes successifs dits de protection ou d’amélioration de la compétitivité (protection tarifaire dégressive, article 27, article 14, cahier des charges, etc.) ont une caractéristique commune: ils incitent l’entreprise à garder un statu quo en matière de valeur ajoutée. En effet, ces instruments garantissent à l’entreprise un payement de droit de douane sur l’importation de ses intrants (demi-produits) à un taux réduit voire nul. La fabrication de ces intrants en Tunisie, dans l’entreprise même ou dans une entreprise sous-traitante, opération plus exigeante en termes de maîtrise de la production et de la qualification du personnel, devient de ce fait plus coûteuse que leur importation, ce qui est de nature à inciter l’entreprise à ne pas intégrer davantage et à garder un statu quo en matière de valeur ajoutée.

 

Objectivement, l’entreprise bénéficiaire de ces avantages n’a aucun intérêt à augmenter sa part de valeur ajoutée et à changer de positionnement dans la chaine des valeurs.

 

Dans le secteur de l’industrie manufacturière, les entreprises se positionnent de ce fait au bas de la chaîne des valeurs: les conditions d’entrée sont faibles en termes de technologie, de compétences et de capital, ainsi que d’expertise en matière de sourcing et de marketing. Les emplois offerts sont surtout pour des travailleurs à faibles compétences.

 

Sur le plan des outils, le changement de positionnement des activités économiques, est accéléré par l’innovation. La politique de recherche et d’innovation constitue de ce fait un élément important dans la stratégie économique.

 

Or le pensée dominante en Tunisie en matière d’interaction entre la recherche et le développement est restée sur une vision linéaire de l’innovation qui considère l’innovation comme une transformation séquentielle des connaissances scientifiques générées par la recherche scientifique et transformées ensuite en nouveaux biens et services. Or cette vision a été abandonnée dans tous les pays de l’OCDE en faveur d’une nouvelle approche qui considère le phénomène d’innovation comme la résultante d’interactions multiples entre plusieurs institutions économiques, scientifiques et sociales et dont la cohérence globale détermine les performances d’un pays dans un domaine donné.

 

La nouvelle approche de l’innovation découle du modèle de l’économie basée sur les connaissances et elle est à fois systémique et interactive. Elle se caractérise par la coopération entre divers acteurs économiques, les universités, les établissements de recherche et les institutions d’appui à l’industrie autour d’un objectif de marché, un objectif économique, un objectif qu’on peut traduire en termes d’impacts financiers et sociaux. Elle vise l’émergence d’un nouveau système productif fondé sur l’innovation permanente et des coopérations de proximité.

 

La Tunisie, à travers la mise en place des technopoles et des clusters, a déjà engagé des évolutions qui peuvent aider à l’émergence de ce nouveau modèle productif , mais la vision n’est pas encore assez claire pour que ce nouveau cadre puisse avoir l’impact économique attendu.


 

Proposition stratégique N°4

 

Objectif :     Inciter l’entreprise à augmenter la valeur ajoutée de ses activités. 

 

 

Mesure 1 :

 

Etudier la possibilité que les entreprises qui  réalisent un taux de valeur ajoutée supérieur à 40% bénéficient d’un régime dégressif au niveau de la liquidation de la TVA.

 

Nota : la mise en œuvre de cette mesure n’exige pas un travail administratif supplémentaire ni de contrôle spécifique. Le bénéfice de cette mesure est décidée simplement sur la base de la déclaration annuelle de l’année précédente et validée par la suite au moment de la déclaration annuelle de l’année en cours. Les moyens informatiques des recettes des finances permettent la prise de décision. Les différences éventuelles sont traitées comme en matière de report ou de payement de régularisation.

 

Exemple :

 

Une entreprise qui réalise un taux de valeur ajoutée de 40%, paye mensuellement  la « TVA liquidée » sur la base de la différence entre « la TVA collectée » et la « TVA déductible ». Si ses achats hors taxe s’élèvent à 60 et son prix de vente hors taxe 100, la TVA collectée est égale à 18, la TVA déductible est égale à 10,8 et la TVA liquidée est égale à  7,2.

 

Une entreprise qui réalise un taux de valeur ajoutée de 80%, paye mensuellement  la « TVA liquidée » sur la base de la moitié de la différence entre « la TVA collectée » et la « TVA déductible ». Si ses achats hors taxe s’élèvent à 20 et son prix de vente hors taxe 100, la TVA collectée est égale à 18, la TVA déductible est égale à 3,6 et la TVA liquidée est égale à  la moitié de 14,4 soit 7,2.

 

On constate ainsi que le trésor ne perd pas, alors que l’entreprise est motivée à augmenter sa part de valeur ajoutée puisque elle a une marge supplémentaire de 7,2% qu’elle peut partager avec ses clients pour réduire son prix de vente et améliorer sa compétitivité-prix. Par ailleurs et grâce à l’accroissement de sa compétitivité, l’entreprise pourra vendre davantage, gagner plus et donc payer plus d’impôt sur le bénéfice. Le trésor se retrouve ainsi gagnant.

 

On parvient ainsi à favoriser ainsi l’emploi, augmenter les possibilités d’emploi de diplômés de l’enseignement supérieur, augmenter la compétitivité de l’entreprise tout en améliorant   les recettes fiscales.

 

 

 

 

 

Mesure 2 :

 

En vue de faire de la recherche un moteur de l’accroissement de la valeur ajoutée des activités économiques :

·        introduire dans la stratégie de chaque technopôle, une dimension de marché innovant, visant surtout l’international, clairement identifié, qui oriente  son développement  en tenant compte de toutes les dimensions de ce marché : technologie, conditions  d’accès, moyens d’accès, communication, etc.

·        identifier, au niveau de chaque technopôle, les partenariats internationaux utiles à l’insertion des entreprises tunisiennes dans les marchés visés.

·        adopter, par chaque technopôle, un  pilotage de la recherche et de l’installation des entreprises dans la technopole cohérente avec le marché visé.

·        doter la technopole d’un mode de gestion, non administratif, adapté aux missions qui lui sont confiées.

 

Mesure 3 :

 

Transformer la FIPA en une agence de promotion de la « politique industrielle » à même d’identifier les opportunités sur le marché international en termes d’activités à forte valeur ajoutée, d’élaborer des stratégies d’insertion et d’attirer les investissements nécessaires à cet effet.  

 

 

Gisement 4 :  Nombre d’activités de soutien sont encore assurées en interne dans les services publics.

 

Il n’y a pas encore d’option systématique et organisée pour l’externalisation des fonctions concurrentielles dans l’Administration et les  services publics, surtout avec les retards pris à la mise en place du système de budget par objectifs.

 

Le maintien de ces fonctions en interne handicape l’emploi sur plusieurs plans :

·         Le coût  élevé des  prestations rendues aux entreprises  par les monopoles publics est un handicap à l’activité économique.

·         Les services publics régionaux n’ont ni les ressources humaines compétentes, ni la délégation de pouvoir suffisante, ni les moyens matériels pour assurer la proximité de services publics efficaces. Les mesures de facilitation prises au niveau national peuvent s’avérer totalement inopérantes au niveau régional. Les pôles technologiques, les pépinières d’entreprises, les centres d’affaires et les « espaces d’entreprenariat » deviennent des structures administratives, faute de vision claire et opérationnelle sur leurs fonctions, faute de mode de gestion approprié à ces fonctions et faute de ressources humaines compétentes pour assurer ces fonctions.

 

Grâce à l’externalisation, des gisements d’emploi très importants peuvent être mis en valeur dans tous les secteurs de l’action administrative et celle des services publics. Ceci permettra par ailleurs d’améliorer les services rendus sans en augmenter le coût à la collectivité et de développer un savoir-faire  exportable.

 

L’essaimage est parfois présenté comme la voie pour l’externalisation. Cependant la formule actuelle de l’essaimage souffre d’insuffisances du fait qu’elle mélange trois objectifs différents et n’utilise pas les instruments appropriés à aucun des trois objectifs. La formule actuelle souhaite encourager à la fois l’externalisation, la promotion de l’innovation et le développement de l’environnement de l’entreprise. Or chacun de ces trois objectifs nécessite des outils spécifiques, différents et parfois contradictoires.

 

Proposition stratégique N°5

 

Objectif :     Créer plus d’entreprises, plus d’emplois et plus d’opportunités d’export de savoir-faire par une externalisation systématique des activités concurrentielles de l’Administration et des entreprises publiques. 

 

 

Mesure 1 :

 

Réaliser  au cours de l’année 2009 un audit externalisation obligatoire par des cabinets spécialisés pour toutes les entreprises publiques, l’Administration centrale et l’Administration régionale.

 

Mesure 2 :

 

Elaborer des référentiels normatifs pour la prestation des services publics externalisés.

 

Mesure 3 :

 

Constituer une banque de projets à partir des résultats des audit-externalisation.

 


Mesure 4 :

 

·        Engager un programme de mise à niveau des fonctions non externalisées des services publics en relation avec l’entreprise et l’emploi  de manière à les amener à une certification qualité.

 

·        En accompagnement à ce programme de mise à niveau, accélérer la mise en place des  Budgets par Objectif.  

 

Gisement 5 : L’impact emploi  des IDE, notamment indirect, en déficit de démultiplication.

 

La Tunisie a mis en œuvre plusieurs réformes et stratégies pour attirer l’IDE: des incitations fiscales généreuses aux entreprises exportatrices dans le domaine de la taxation, du régime de travail et des règles pour le commerce extérieur; l’amélioration de l’infrastructure; la promotion du développement des compétences pour répondre aux besoins des investisseurs et augmenter la productivité de la main-d’œuvre; l’établissement d’une agence de promotion de l’IDE dédiée (FIPA).

 

Ces réalisations  ont permis à la Tunisie d’attirer d’importants flux d’IDE et d’occuper la meilleure position au sein de la région du Maghreb. Mais depuis 2000, les pays de la région rattrapent rapidement leur retard. Alors que la part de l’IDE dans le PIB a augmenté de 15 pour cent en Tunisie, elle a doublé en Algérie, quadruplé en Turquie et augmenté près de dix fois au Maroc (BM2007).

 

Quelles en sont les causes :

 

2.    L’image de la Tunisie, en tant que pays de destination des IDE, est en deçà des potentialités du pays.

 

La Tunisie peut-elle se contenter d’être connue par cinq à six pays européens et quelques pays arabes et africains pour espérer intégrer l’économie mondiale?

 

L’action des agences en charge de la promotion (ONTT, FIPA, ATCE, OTE) n’a pas été suffisante  pour renforcer l’attrait de la Tunisie. Les réseaux de compétences tunisiennes expatriées ne sont pas suffisamment mobilisés. Le personnel diplomatique tunisien accuse un déficit de culture marketing-pays. Les médias locaux, relayés par les sites Internet pour l’écrit et les satellites pour l’audiovisuel n’ont pas adopté une  stratégie visant l’augmentation de la notoriété du pays et de son potentiel, d’une manière structurée et continue.


 

Proposition stratégique N°6

 

Objectif :     Mettre davantage en valeur les atouts de la Tunisie 

 

 

Mesure 1 :

 

Elaborer une stratégie de communication globale qui positionne la contribution des agences concernées par la promotion de l’image de la Tunisie et qui crée une synergie entre leurs actions.

 

3.    Le transport international et les services de télécommunication  sont peu performants et leur coût élevé.

           

Du fait des monopôles ou quasi-monopole, les services portuaires, le transport international et les services de télécommunication, ont un coût élevé et une qualité incertaine et instable.

 

Ces services risquent de handicaper de plus en plus la compétitivité du pays d’autant plus que la niche la plus intéressante pour l’industrie exportatrice tunisienne est celle de la moyenne série, fabriquée selon des spécifications particulières et livrée juste à temps. Dans ce genre de niche, la commande est typiquement transmise à l’unité de fabrication par Internet à l’ouverture des ateliers pour être livrée sous 24 ou 48 heures. De ce fait, la continuité des services de télécommunication et de transport devient un facteur aussi important que les moyens de production. Une coupure de la liaison téléphonique durant une journée entraine la fermeture des ateliers; une journée d’attente supplémentaire au port peut correspondre à un doublement du délai de fabrication!

 

En termes de coût, les prix pratiqués en Tunisie sont beaucoup plus élevés que ceux pratiqués dans les pays concurrents, notamment l’Egypte.

 

Proposition stratégique N°7

 

Objectif :     Fiabiliser les services de télécommunication et de transport maritime et aérien et en réduire le coût. 

 

 

Mesure 1 :

 

Etudier la possibilité de créer un régime de pénalisation des opérateurs de télécommunication au profit de leurs abonnés en cas de rupture de continuité du service contractuel.

Charger l’Autorité de Régulation des Télécommunications de veiller à la continuité des services assurés par les opérateurs de télécommunication  et les fournisseurs de réseaux.

 

Mesure 2 :

 

Veiller à ce que le coût des télécommunications et du transport aérien et maritime soient toujours les plus compétitifs de la région méditerranéenne.

 

 

 

4.    L’entreprise tunisienne n’est pas positionnée dans la stratégie de promotion des IDE.

 

Le segment orienté vers le marché national est séparé de manière quasi-étanche de celui orienté vers le marché international. Les entreprises tunisiennes se positionnent difficilement dans la stratégie de promotion des IDE. On continue en fait à développer deux économies qui se côtoient et s’ignorent. Les échanges entre les entreprises partiellement exportatrices et les entreprises totalement exportatrices sont insignifiants. De ce fait, la diffusion du savoir faire organisationnel et technologique des entreprises internationales dans les entreprises tunisiennes est à la fois lente et limitée.

 

Dans ces conditions, l’approvisionnement des entreprises totalement exportatrices auprès d’entreprises partiellement exportatrices ou auprès d’autres entreprises totalement exportatrices est resté insignifiant. La part de la valeur ajoutée dans les exportations qui reste dans le pays est restée faible et elle ne correspond pratiquement qu’à la masse salariale du personnel de production dont la qualification est pour l’essentiel modeste.

 

Des gisements d’emploi sont ainsi restés inexploités.

 

Proposition stratégique N°8

 

Objectif :     Augmenter les échanges entre les entreprises industrielles on-shore et off-shore. 

 

 

Mesure unique :

 

Créer une zone de libre échange « Tunisie-Tunisie » entre les entreprises industrielles et de services partiellement exportateurs  d’une part et  les entreprises totalement exportatrices d’autre part et simplifier au maximum les procédures de commerce extérieur entre elles  par l’adoption d’une déclaration en douane unique (Export-Import) faite soit par l’exportateur soit par l’importateur.

 

 

 

Gisement 6 :  L’effet de levier  des achats publics n’est pas suffisamment exercé sur  le développement de l’industrie et des services

 

Pour les achats publics et à l’exception des marchés placés sous le contrôle de la Commission Supérieure des Marchés, les aspects procéduraux prennent souvent le pas sur le fond et la fonction contrôle réduit la fonction gestion au stricte minimum.

 

La fonction maîtrise d’ouvrage est mal assurée en interne et les gestionnaires des marchés publics n’ont souvent pas le pouvoir réel de mettre en œuvre les dispositions du décret de 2002 portant réglementation des marchés publics et ses modifications qui sont riches en dispositions, telles que les marchés complexes et les appels d’offres sur concours.

 

Les achats publics ne sont pas utilisés pour promouvoir les technologies émergeantes à l’exception des TIC, dont la promotion reste par ailleurs souvent théorique.

 

Proposition stratégique N°9

 

Objectif :     Utiliser les achats publics pour promouvoir la qualité des produits et services et la compétitivité des entreprises tunisiennes. 

 

 

Mesure 1 :

 

Conférer le caractère complexe systématiquement à tous les achats publics comportant une prestation intellectuelle

 

Mesure 2 :

 

Eliminer systématiquement les offres extrêmes  si elles s’écartent trop de la moyenne des offres reçues.

 

Mesure 3 :

 

Externaliser systématiquement la maitrise d’ouvrage des achats publics (analyse du besoin, étude technique, pilotage, réception, clôture, maintenance)

 

Mesure 4 :

 

Prendre comme base, dans la rédaction des spécifications des achats publics, l’obligation des résultats et non plus l’obligation des moyens et ce pour améliorer le service rendu à l’acheteur public et pour favoriser les entreprises structurées, capables de trouver des solutions innovantes et économiques

 

Mesure 5 :

 

Pour tous les achats publics supérieurs à 100 mille dinars, recourir obligatoirement à la procédure de la manifestation d’intérêt avant la rédaction des cahiers des charges et l’affectation du financement.

 

 

Gisement 7 : Des potentialités  sectorielles  insuffisamment exploitées

 

1.       Au niveau de l’Agriculture, le potentiel encore non exploité est important. L’uniformité des incitations, l’intégration insuffisante de l’Agriculture dans la stratégie de l’exportation et de l’investissement orienté vers l’exportation, la faiblesse des services offerts aux producteurs, les problèmes fonciers, le dysfonctionnement  des circuits de distribution, l’éparpillement de la recherche et sa déconnexion des problèmes de production et de mise en valeur des ressources régionales, constituent des obstacles à la bonne exploitation de ce potentiel.

Proposition stratégique N°10

 

Objectif :     Promouvoir l’emploi dans l’agriculture. 

 

 

Mesure 1 :

 

Promouvoir des associations de professionnels, à caractère non administratif, à même d’appuyer les agriculteurs dans toutes les fonctions notamment au niveau de la production, l’approvisionnement, la commercialisation, le stockage, la formation continue  et la diffusion des bonnes pratiques.

 

Mesure 2 :

 

Développer des filières agro-alimentaires par une démarche contractuelle responsabilisant les organisations professionnelles par filière et par région dans l’élaboration de stratégies et l’atteinte de résultats en matière de production, de conquête de marché,  de prix et de distribution.

 

Mesure 3 :

 

Appliquer les dispositions de la stratégie de mise à niveau de la formation professionnelle à  la formation agricole, dans un cadre partenarial avec les organisations professionnelles et introduire le  mode de formation par l’apprentissage dans l’Agriculture.

 

Mesure 4 :

 

Intégrer la fonction vulgarisation dans le dispositif de la formation et de recherche agronomique pour appuyer les nouvelles activités à forte  valeur ajoutée et pour améliorer les compétences professionnelles des travailleurs agricoles, en particulier les fils (et filles) d’agriculteurs.

 

Mesure 5 :

 

Adapter les financements du secteur agricole aux spécificités de l’entrée en production des investissements  agricoles et indexer le crédit foncier sur les prix du marché.

 


Mesure 6 :

 

Adopter le numéro de la Carte d’Identité Nationale comme identifiant unique de la sécurité sociale et lever les restrictions relatives à la durée trimestrielle minimale du contrat de travail et au nombre minimum d’employés déclarés pour tenir compte de la saisonnalité de certaines activités agricoles.

 

Mesure 7 :

 

Externaliser et accélérer les activités de l’assainissement foncier

 

Mesure 8 :

 

Le Ministère chargé de l’Agriculture et le Ministère de la Justice en partenariat avec les organisations professionnelles étudient la possibilité de la mise en place d’un dispositif décentralisé de conciliation, de médiation et d’arbitrage juridique des conflits dans le secteur agricole pour éviter l’encombrement des tribunaux et favoriser la mobilisation optimale des terres agricoles dans la modernisation de ce secteur..

 

 

 

2.       Au niveau du Tourisme, le manque d’activités extra-hôtelières constitue un facteur limitant au développement harmonieux du secteur touristique et au changement de positionnement du secteur hôtelier. Ce repositionnement aura l’avantage d’attirer une clientèle plus aisée et donc plus exigeante en lui offrant des opportunités de dépenses plus grandes ce qui permettra à l’hôtellerie d’améliorer sa compétitivité.

 

Ce développement permettra aussi et surtout la création de nombreux emplois directs dans ces PME et aura l’avantage de renforcer l’emploi permanent et les recrutements dans l’hôtellerie et ce par un meilleur taux de satisfaction, d’occupation ainsi que de rallongement de la saison.

 

Les stations touristiques souffrent d’un manque évident de vie et les  restaurants, bars, cafés et autres pèchent par manque de professionnalisme, de diversification et d’imagination.

 

C’est donc d’une mise à niveau globale de la vie extra-hôtelière dans les stations qu’il s’agit avec toutes ses composantes : commerces, restaurants, cafés, bars, beach-clubs, centres de spectacles,  transports et autres…


 

Proposition stratégique N°11

 

Objectif :     Promouvoir l’emploi dans le Tourisme. 

 

 

Mesure 1 :

 

Dans toutes les régions, les activités extra-hôtelières figurant sur une liste arrêtée par le ministère en charge du tourisme  bénéficieront des avantages accordés aux zones de développement régional prioritaire. Cette liste tiendra compte de la recherche de partenariats avec les enseignes connues internationalement. Elle peut tenir compte de partenariats avec des spécialistes notamment français, italiens ou belges pour la restauration ou anglais pour les pubs…comme elle doit tenir compte des restaurants tunisiens qui se consacrent à la cuisine tunisienne de qualité.

Ces mêmes avantages pourraient bénéficier aux commerces des produits de luxe, bijoux, cuirs et autres produits de marque ou les produits tunisiens destinés à l’export.

 

Mesure 2 :

 

La diversification de l’hébergement par le résidentiel touristique, l’appart-hôtellerie, les hôtels de charme, les gîtes d’étape, éventuellement les Campings et autres,  permettra d’attirer une clientèle individuelle tant nationale qu’internationale et assurera une optimisation de l’activité extra-hôtelière et des recettes au moins égale sinon supérieure à celles de l’hôtellerie, ce qui est le cas dans toutes les destinations touristiques connues.

 

Mesure 3 :

 

La création d’un guichet unique auprès du Ministère du Tourisme pour l’octroi des agréments et autorisations de toutes natures et pour la facilitation des formalités (débits de boissons, horaires d’ouverture, importation de troupes d’animation, utilisation des terrasses et des espaces de plages,…). Ce guichet sera le seul vis-à-vis de l’investisseur et de l’exploitant.

 

Mesure 4 :

 

Les hôtels de plus de 400 lits de catégories 4 et 5 étoiles ainsi que  les chaînes hôtelières doivent assurer une fonction de sécurité, une fonction d’économie d’énergie et une fonction de formation continue en période de pré-ouverture et durant l’exploitation.  Les cadres  en charge de ces fonctions doivent les assumer à plein temps et avoir les compétences requises par la fonction.

 

Mesure 5 :

 

Les investissements futurs dans l’hôtellerie (nouveaux projets ou mise à niveau) devront rechercher des partenaires commerciaux (tours opérateurs) ou enseignes internationales pour intégrer leurs exigences au niveau de la qualité du produit dans leurs programmes d’investissement.

 

Mesure 5 :

 

L’ouverture du ciel aux compagnies low-cost permettant le développement d’une clientèle individuelle toute l’année et sera le moyen de transport idéal pour le para-hôtelier (flexibilité du séjour, coût avantageux).

.

Mesure 6 :

 

Assurer dans tous les espaces et étapes touristiques les règles les plus strictes d’hygiène et de propreté. Veiller à l’amélioration de l’environnement humain par une vigilance permanente (Médinas et plages) et en général améliorer l’accueil et lui conférer un cachet tunisien authentique et de qualité.

 

 

 

3.       Au niveau des Technologies de l’Information et des Communications

 

En matière de e-gouvernement, la Tunisie occupe une place qui n’est pas en rapport avec son niveau de développement. En 2007, le rapport des Nations Unies  « From e-Governement to Connetected Governance  2008 » classe la  Tunisie au 121ème rang mondial, avec en plus un recul par rapport à 2005 !

 

Country

E-Readiness 2007

Rank
2007

Rank
2005

Rank Change

   Egypt

0.4767

79

99

+20

   Libyan Arab Jamahiriya

0.3546

120

180

+60

   Algeria

0.3515

121

123

+2

   Tunisia

0.3458

124

121

-3

   Morocco

0.2944

140

138

-2

   Sudan

0.2186

161

150

-11

Extrait du Rapport des Nations Unies « From e-Governement to Connetected Governance » 2008

 

 

Proposition stratégique N°12

 

 Objectif :    Promouvoir l’emploi dans les TIC. 

 

 

Mesure 1 :

 

Auditer en 2009 toutes les Administrations au niveau central et régional en matière de système d’information.

 

Mesure 2 :

 

Lancer un programme national « gouvernance connectée » sur la période 2009-2014 .

 

Mesure 3 :

 

Externaliser la fonction maîtrise d’ouvrage TIC pour toutes les administrations et entreprises publiques.

 

Mesure 4 :

 

Introduire dans les marchés publics TIC la procédure de paiement par décompte mensuel, comme en matière de travaux.

 

Mesure 5 :

 

Lancer des programmes sectoriels nationaux « Compétitivité par les TIC » ( Banque, Tourisme (création de site web transactionnels pour tous les hôtels classés), Education, Université, Santé, Textile, etc.)

 

Mesure 6 :

 

Lancer un programme de mise à niveau intégrale des boucles locales  du réseau de télécommunication pour garantir son exploitation en large bande et l’achever en moins de 5 ans.

 

Mesure 7 :

 

Mettre à profit la mise à niveau du réseau de télécommunication pour créer des entreprises spécialisées dans toutes les régions grâce à une commande régionalisée.

 

Mesure 8

 

Lancer un programme national d'inclusion numérique  de toutes les régions.

 


 

Gisement 8 :  Les entreprises existantes ne sont pas incitées à l’expansion

 

L’entreprise tunisienne ne crée de l’emploi qu’au cours de ses trois premières années d’existence, et elle commence à en perdre à partir de la 6ème année.

 

·         Les entreprises imputent ce fait à la fréquence des pratiques anticoncurrentielles sur le marché national. Les filières globales depuis la production/importation jusqu’à la consommation ne sont pas organisées de manière à permettre une concurrence loyale.

 

·         Au niveau des services, les consommateurs manquent de visibilité à cause de l’absence d’un système de labellisation des entreprises. Ce manque de visibilité, aggravé par le manque d’exigence du consommateur tunisien, ne favorise pas l’emploi qualifié et l’amélioration des services rendus. Le client est souvent dans l’incapacité de distinguer a priori l’entreprise capable de réaliser ce qui est demandé selon les règles de l’art et aux meilleures conditions économiques. Il s’ensuit une élimination progressive des entreprises structurées, un alignement par le bas en termes de service rendu, un gaspillage de ressources (mauvaise exécution, reprise de travaux, etc.) et surtout une « clochardisation » des entreprises. Tous ces facteurs sont défavorables à l’emploi qualifié.

 

·         En dépit d’avancées notables ces dernières années, les problèmes de financement restent la principale barrière à la croissance des entreprises.

 

·         Le fonds de roulement provenant des ressources propres de l’entreprise tunisienne ou du marché financier n’est pas suffisant pour soutenir un niveau d’activité en relation avec son potentiel productif ou ses marchés. L’investissement est encouragé, le fonctionnement des entreprises ne l’est pas.

 

·         L’accès aux financements d’exploitation, les aléas et les délais pour cet accès ainsi que son coût figurent parmi les préoccupations les plus importantes des chefs d’entreprise. Il constitue le principal frein à l’emploi dans les entreprises existantes.

 

·         La fiscalité a bénéficié ces dernières années d’un effort notoire de modernisation, mais elle reste néanmoins  complexe et surtout sujette à interprétation  dans son application.

 

La  logique d’incitation ne cible que la seule étape de création et ignore les autres  étapes de la vie de l’entreprise, y compris la fermeture pour éviter qu’elle ne  devienne un fardeau à la compétitivité nationale.

 

Proposition stratégique N°13

 

 Objectif :    Promouvoir l’emploi grâce à l’expansion de l’entreprise existante. 

 

 

Mesure 1 :

 

Adopter un régime dégressif de l’imposition sur les sociétés sur la base du taux de valeur ajoutée.

 

Mesure 2 :

 

Les branchements des utilités (électricité, eau, gaz) réalisés en milieu urbain sont conditionnés par un  contrôle technique préalable des installations, réalisé des bureaux agréés à cet effet.

 

Proposition stratégique N°14

 

Objectif :     Donner aux grandes entreprises  (privées, publiques, familiales et cotées) les moyens managériaux  appropriés pour affronter la compétition mondiale, faire des bonnes pratiques de gouvernance un  support durable à la création de valeur pour toutes les parties prenantes.

 

 

Mesure 1 :            

 

Lancer un programme de mise à niveau managériale portant sur les dispositifs de gouvernance,  la transparence de la communication financière selon les normes internationales, la planification stratégique comme outil de management, les systèmes d’information et la bonne gouvernance de la technologie de l’information.

 

Mesure 2 :

 

Les entreprises ou groupes d’entreprises qui s’engagent dans la mise à niveau managériale ont la possibilité de réaliser un audit intégral fiscal et social par des auditeurs indépendants et certifiés conduisant à la valorisation des passifs fiscaux et parafiscaux et bénéficient  d’office de l’annulation des intérêts et pénalités de retard qui auraient pu être payés, de l’abandon d’une partie de la dette fiscale et sociale éventuelle et de l’étalement du payement du reliquat de cette dette selon la capacité de trésorerie future.

 

 

Gisement 9 : Impulser l’investissement privé productif

 

Moins du quart du produit intérieur brut est  investi  annuellement contre près du tiers à la fin des années 70. De plus, la part de l’investissement privé reste  inférieure à 60%. La Banque Mondiale a estimé en 2004 que pour la période 1996-2001, l’investissement privé réel a été inférieur de 3 points par rapport à l’investissement potentiel  privant ainsi la Tunisie de 5% de son PIB et de 2.5% des emplois créés.  Ce déficit d’investissement a été enregistré en plein programme de mise à niveau  et juste après la promulgation du nouveau système d’incitations dans le cadre du code unique d’investissement de 1994.

 

Cela pose la question de l’efficacité  du système d’incitation, celle du système de financement et de l’orientation de l’investissement et de l’accompagnement  des entreprises.

 

Au niveau du financement de l’investissement, les services ne sont pas assez développés et diversifiés en fonction des besoins des entreprises. La concurrence existe sur les crédits à la consommation, elle est absente au niveau de l’investissement.  De ce fait, le taux d’intérêt à la création d’entreprise est très élevé et avoisine les 9% par an contre 4% en Europe et moins de 2% au Japon.  Les procédures d’accès au crédit sont compliquées et incohérentes entre les différentes institutions bancaires ce qui entraine des délais d’accès au financement souvent longs. Le système d’information des banques est peu développé par rapport aux standards mondiaux. Il ne permet pas aux banques d’offrir à la clientèle des services de qualité, de réduire leur coût de gestion et donc le coût du crédit et de respecter les règles prudentielles. L’importance des garanties demandées, faute d’une meilleure évaluation des risques,  se traduit par la préférence des banques à prêter aux grandes entreprises. La part des créances douteuses héritées des politiques du passé sape la capacité du secteur financier tunisien à financer l’investissement et augmente le coût du financement.

 

Au niveau du système d’incitation, les fondements des mécanismes utilisés sont restés inchangés depuis 1972-1974. Ils ont été conçus dans une perspective d’attirer une industrie basée sur une main d’œuvre peu qualifiée, qui optait auparavant pour l’émigration vers l’Europe d’une part et de développer une industrie d’import-substitution d’autre part. Ces instruments sont construits sur une logique de moyens et non de résultats. Les objectifs actuels sont complètement différents : on souhaite promouvoir des activités capables d’employer des diplômés de l’enseignement supérieur et opter pour une économie basée sur la connaissance. Le  cadre logique du système d’incitation doit donc changer et passer de la logique de moyens à une logique de résultats.  

 

Par ailleurs et en termes d’adaptation du code d’investissement, il y a lieu de signaler que jusqu’en 1993, ce code faisait l’objet de mise à jour régulière tous les 5 à 6 ans (72 ; 74 ; 80 ; 87 ; 93) alors que le contexte économique était presque stable. Or depuis 1993 et bien que les changements du contexte économique soient devenus plus rapides, le code est resté tel quel durant 15 ans.

 

Il y a toutefois lieu de noter que « la  loi sur l’initiative économique » a été promulguée en décembre 2007. Elle vise à encourager l'initiative privée à travers l'amélioration du climat des affaires, l'impulsion de l'investissement privé et le développement des exportations. Elle comporte des dispositions générales aussi bien pour la facilitation des procédures de création d'entreprises et des méthodes de gestion, que pour la protection des actionnaires et des associés et la promotion des micro- entreprises. Mais cette loi n’a pas changé la logique des instruments d’incitation et ses effets  ne sont pas encore perceptibles.

 

Proposition stratégique N°15

 

Objectif :     Impulser l’investissement privé productif.  

 

 

Mesure unique :

 

Amender le code des investissements pour lier la prime d’investissement aux résultats atteints en termes d’emploi, de valeur ajoutée et de produit rapatrié de l’exportation.

Gisement 10 :    Identification insuffisante des opportunités du marché intérieur, vu notamment sous l’angle régional

 

Les opportunités de notre marché intérieur, notamment régional, ne sont pas bien identifiées aussi bien dans l’industrie, les services, le tourisme que dans la production agro-alimentaire. Les études réalisées par les organismes en charge du développement restent générales et non contextualisées dans les régions.  Rarement, ces études ont comme point de départ un besoin de marché, validé par une analyse.

 

Pour les projets de micro-entreprise,  les nouveaux projets se limitent souvent à copier des projets existants. Une enquête récente de suivi des micros projets financés par la BTS révèle que près de la moitié des promoteurs déclarent avoir rencontré une concurrence aiguë. L’innovation dans le choix des activités ou la diversification des produits en relation avec les opportunités du marché intérieur n’est pas inscrite dans les orientations et la mise en œuvre de la politique de promotion de la micro entreprise.

 

Gisement 11 : L’investissement  demeure handicapé par le manque de diversification de notre commerce extérieur

 

L’économie tunisienne a une diversification insuffisante en termes de produits et de marchés qui fait que  son ouverture sur l’économie mondiale n’est pas mise à profit pour en faire une source de croissance et d’emploi plus consistante.

 

Les exportations de la Tunisie se concentrent sur des produits en déclin sur le marché mondial et sans que l’industrie n’ait la capacité de suivre de manière dynamique les évolutions du marché mondial. La moitié des exportations est assurée seulement par 7 types de produits dont les hydrocarbures et environ 71 pour cent des exportations de la Tunisie sont expédiés seulement vers quatre pays en Europe. Aujourd’hui, la Tunisie est dans la situation d’une mauvaise spécialisation en termes de produits et de marchés. Le pays se doit de diversifier sa production et ses exportations.

 

En termes de produits, le graphique ci-dessous illustre la croissance de l’offre nationale et de la demande internationale pour les produits exportés par la Tunisie en 2006 et visualise la mauvaise « spécialisation produits ».

 

 

 

 

Au  niveau du marché africain de biens et de services, la Tunisie a un avantage compétitif certain sur le marché régional (notamment algérien et libyen) et sur celui de l’Afrique subsaharienne. Mais les opportunités de ces marchés ne sont pas bien exploitées.

 

Les règles d’accès à ces marchés sont très différentes de celles du marché européen auxquelles les entreprises et le système bancaire tunisiens sont habitués et pour lequel la réglementation  du change est rôdée.

 

L’absence d’un système de financement adapté à cette demande, à la fois en termes de réglementation (change, cautions à l’étranger, accès au financement de succursales à l’étranger, etc.), de circuit bancaire et de garantie de paiement constitue un obstacle important  à la conquête de ces marchés.

 

De plus, pour le marché africain, notre présence diplomatique est limitée et non orientée vers l’exploitation de ce marché, les visites officielles de Ministres en charge de départements en relation avec l’économie sont quasi inexistantes et les facilités consulaires que nous offrons sont très lointaines par rapport aux bénéficiaires potentiels. Pour un homme d’affaires africain, obtenir un visa d’entrée en Tunisie relève du parcours du combattant.

 

Au niveau des services à l’export, les opportunités du marché mondial peuvent être également saisies autrement que par l’émigration de longue durée de personnes agissant à titre personnel. L’export de services via des entreprises spécialisées opérant à partir de la Tunisie ou à partir de succursales implantées à l’étranger et utilisant les outils du télétravail est une forme plus intéressante pour transformer en emplois les opportunités du marché mondial. Cette formule peut couvrir des services aussi diversifiés que l’ingénierie, le conseil, la maintenance industrielle que les services aux personnes.

 

L’identification des ces opportunités n’est pas intensive et les facilités l’accès à leurs marchés ne sont pas encore systématiquement intégrées dans les accords bilatéraux conclus par la Tunisie.

 

Mais on peut retenir a priori le secteur de la comptabilité et de l'audit financier comme un candidat de choix à la libéralisation envisagée des services.  Plusieurs raisons poussent à croire que l’expertise locale a des opportunités à saisir. Le vieillissement de la profession dans les pays européens ainsi que les perspectives d’augmentation de la demande des services comptables et fiscaux sont de nature à soumettre l’offre à des pressions telles qu’elle doit faire appel à l’expertise étrangère pour répondre aux besoins du marché européen. La qualité et le coût des prestations locales placent la Tunisie dans une position compétitive en dehors de ses frontières. Il est inutile de mentionner que d’ores et déjà, certains experts comptables locaux exportent leurs services sur les pays du nord de la Méditerranée, du Maghreb et de l’Afrique.

 

Ces opportunités offertes à la Tunisie ne sont pas acquises, mais sont tributaires de la qualification des professionnels et de la qualité des services qu’ils peuvent offrir. En effet, les services rendus par la profession comptable doivent répondre aux exigences internationales en la matière.

 

Les entreprises d’audience internationale ou régionale se font souvent accompagner par leurs conseillers et auditeurs partout où elles s’implantent. Cette situation n’est pas sans conséquence sur la profession comptable en Tunisie.

 

Par ailleurs, plus les entreprises s’internationalisent, plus elles doivent assurer une communication financière conforme aux standards internationaux. En effet, les normes IFRS (International Financial Reporting Standards),  constituent le langage financier adopté par l’Union Européenne. Les Etats-Unis d’Amérique, quant à eux, se sont engagés dans un processus de convergence entre leur référentiel comptable US GAAP (US Generally Accepted Accounting Principles) et les normes IFRS.

 

Proposition stratégique N°16

 

Objectif : Diversifier le commerce extérieur 

 

 

Mesure 1 :

 

Les exportations sur les marchés non traditionnels bénéficient d’une prime de développement de marché à concurrence de 10% du produit de l’exportation  rapatrié. Le ministère en charge du commerce publie annuellement la liste des marchés considérés comme traditionnels pour chaque catégorie de produit.

 

Mesure 2 :

 

Les entreprises  partiellement exportatrices de biens et de services bénéficient d'une prime à la première exportation

 

Mesure 3 :

 

Le CEPEX appuie la création d’associations ou entreprises de tunisiens à l’étranger œuvrant à la promotion des exportations tunisiennes de produits et de services et les finance par contrat objectif et sur les résultats.

 

Mesure 4 :

 

Installation de consuls honoraires dans toutes les capitales et grandes villes d’Afrique,  d’Amérique du Sud et d’Asie Centrale chargés de la facilitation des relations entre hommes d’affaires tunisiens et leurs homologues des pays concernés. Ces consuls sont rémunérés selon un système qui intègre les objectifs et les résultats.


 

 

 Proposition stratégique N°17

 

Objectif :     Favoriser la promotion de l'exportation des services

 

 

Mesure 1 :

 

En vue de promouvoir l'exportation des services, intégrer l'usage des normes internationales et de certification dans l'exercice des diverses professions notamment d'ingénierie, d'expertise comptable et d'expertise juridique.

 

A ce titre, les entreprises faisant appel au marché financier et les entreprises publiques doivent utiliser les nomes IFRS pour leur communication financière

 

2.4.      Le tiers Ouest du pays n’a pas une attractivité suffisante

 

Il n’y a pas d’emploi en dehors d’une entreprise fût-elle individuelle. La dynamique de création d’entreprise est un indicateur qui anticipe celui de la création d’emploi.

 

L’analyse de la répartition régionale des entreprises laisse apparaître une différentiation régionale de « l’Intensité Entrepreneuriale ». La carte ci-après représente le ratio entre la population active d’un gouvernorat et le nombre d’entreprises qui  y existent. Dans les régions colorées en vert foncé ce ratio est de l’ordre d’une entreprise pour 20 actifs alors que dans les régions colorées en rouge, ce ratio dépasse une entreprise pour 170 actifs.

 

Traiter les causes du chômage passe aussi celui des causes qui freinent la création d’entreprises dans les régions Ouest. Les incitations classiques à l’investissement peuvent s’avérer sans effet du fait de l’absence de marché régional et d’une attractivité insuffisante du cadre de vie.

 

 

 

Proposition stratégique N°18

 

Objectif :     Augmenter l’attractivité de certains gouvernorats 

 

 

Mesure unique :

 

Créer un cluster de mécanique autour du bassin minier et des entreprises d’extraction  de Gafsa-Kasserine-Siliana-Le Kef

 


 

 

 

 

 

B.           Deuxième partie :Le système d’éducation et de formation peut-il devenir la voie royale vers l’emploi ?

 

 

 

 

 

Pourquoi un grand nombre parmi les primo-demandeurs d’emploi continue à ne pas avoir le profil requis, et  parmi ceux qui semblent avoir ce profil, beaucoup ne possèdent pas les compétences correspondantes ?

 


1.           Introduction

 

Le droit à l’éducation pour tous a toujours représenté une aspiration profonde de la société tunisienne et un choix de société; en témoigne l’histoire du mouvement national; en témoigne aussi l’histoire plus récente de la construction de la Tunisie moderne, œuvre au sein de laquelle la politique éducative arrêtée et menée par l’Etat, se faisant l’écho d’un consensus national fort, s’est traduite par un effort budgétaire soutenu souvent situé aux limites des capacités de financement de l’Etat et de l’économie, expression d’une priorité jamais discutée. 

 

Cet élan qui, un demi-siècle durant, a sous-tendu le comportement éducatif de l’Etat, des ménages et des divers acteurs politiques et sociaux, était lui-même sous-tendu par le fait objectivement vérifié que l’obtention d’un diplôme, surtout universitaire, garantissait l’accès des jeunes à l’emploi.

 

Cet état de fait a duré jusqu’au début des années 1980, quand les chemins respectifs du système éducatif et du marché de l’emploi ont commencé à se séparer, la question de l’emploi des jeunes passant progressivement mais régulièrement au devant des préoccupations de la société et de l’Etat. Le diplôme perdait concrètement sa qualité de condition nécessaire et suffisante d’accès à l’emploi. Tout en demeurant nécessaire, il devenait de moins en moins suffisant.

 

La Conférence Nationale sur l’Emploi en juillet 1998 illustrait à travers la « Déclaration Nationale sur l’Emploi», l’expression politique d’un consensus national fort entre les acteurs de la société civile et de l’Etat autour de la priorité de l’emploi.

 

Progressivement, l’emploi commençait à émerger en tant que nouvel enjeu politiquement prioritaire, expression rénovée d’un choix de progrès et de promotion sociale. Droit à l’éducation pour tous, oui et toujours oui, mais droit à l’emploi pour tous, aussi et d’abord.

 

Dans ce concert, la voix de l’entreprise reprend: l’emploi pour tous, oui mais halte aux flux de jeunes non qualifiés; compétitivité oblige. Ainsi se présente dans cette première décennie du vingt et unième siècle, le débat social autour de la question de l’éducation  et de l’emploi des jeunes. Côté politique publique, la «priorité à l’Emploi d’abord et toujours » devenait un mot d’ordre dont l’expression s’énonce dans des termes de plus en plus forts et de plus en plus déterminés à travers les programmes politiques qui se sont relayés depuis.

 

En tant que choix sociétal, la priorité donnée à l’emploi, loin d’être un abandon du choix de la priorité à l’éducation, se définit au contraire comme un projet pour rénover et revigorer ce dernier. Le déplacement du centre de gravité des aspirations populaires profondes vers les impératifs d’emploi et d’insertion devait impliquer en effet une redéfinition en profondeur des missions et objectifs du système d’éducation et de formation dans le sens d’un meilleur ciblage de l’objectif emploi.

 

Des réformes majeures de l’éducation et de la formation ont été entreprises à cet effet. Mais la réforme de l’enseignement supérieur a tardé.

           

Cependant, la mise en œuvre des réformes engagées (MANFORME pour la formation professionnelle, et « l’école de demain » pour  l’éducation scolaire)  s’est heurtée à plusieurs obstacles endogènes et exogènes dont notamment:

·      l’absence de stratégie d’articulation et de synchronisation des réformes,

·      la mise en œuvre partielle des réformes, car non conduite à son terme, ni poussée jusqu’au bout de sa logique,

·      le manque de maîtrise dans la conduite des changements,

·      le manque d’appropriation par les acteurs, comme conséquence d’un manque d’implication et de maîtrise des compétences exigées pour l’exercice de son  métier par chaque acteur. 

 

Les résultats obtenus n’ont pas été de ce fait à la hauteur des objectifs fixés que ce soit au niveau de l’acquisition des compétences clefs par le maximum de jeunes, ou bien au niveau de la bonne répartition des flux à travers le système de développement des ressources humaines, ou à celui du pilotage de la formation professionnelle et de l’enseignement supérieur par les besoins de l’économie.

 

2.    Axes d’amélioration :    

 

2.1.      L’organisation mise en place dans les établissements scolaires ne permet pas l’atteinte  des objectifs arrêtés pour chaque cycle.

 

Le déficit en compétences clefs de base constitue aujourd’hui un des principaux  handicaps  à  l’insertion

 

Les jeunes, y compris les diplômés de l’enseignement supérieur, ont de graves lacunes linguistiques et de communication que ce soit en arabe, en français et encore plus dans les autres langues. Ce fait constitue aujourd’hui un handicap évident pour l’insertion sur le marché national sans parler du marché international  et il le sera encore plus pour demain.

 

Les résultats des examens scolaires parlent d’eux mêmes : plus de  90% des candidats au baccalauréat Lettres n’arrivent pas à obtenir la moyenne en langue aussi bien arabe, française qu’anglaise. La tendance sur les trois dernières années est par ailleurs à l’aggravation.

 

D’autre part, les  comparaisons internationales confirment cette faiblesse dans les acquis de base. Les tests PISA réalisés par l’OCDE et auxquels la Tunisie a participé en 2003 et 2006 touchent de larges échantillons de jeunes de 15 ans et visent la qualité des acquis des compétences clefs nécessaires pour l’économie basée sur la connaissance. Elles ont touché la «littératie» (Literacy), la culture mathématique, la culture scientifique, le raisonnement logique et la résolution des problèmes ([6]).Ces comparaisons situent les jeunes tunisiens très loin derrière ceux des pays similaires et concurrents, sans parler de ceux qui occupent les premières places. Pour toutes les compétences clefs, la majorité des jeunes tunisiens de 15 ans, encore scolarisés, sont en dessous ou arrivent au maximum au niveau 1 (sur une échelle de 1 à 5 ou 6 selon le type de compétences), sans parler évidemment de ceux qui ne sont plus scolarisés à cet âge et qui représentent près de 30% de la tranche d’âge.

 

Ainsi, près des 2/3 des jeunes tunisiens sont plus près de l’illettrisme que des requis  d’un emploi dans une économie mondialisée.

 

Proposition stratégique N°19

 

Objectif : Améliorer les acquis scolaires selon les normes internationales

 

 

Mesure 1 :

 

Mettre en place dans les établissements scolaires une organisation administrative et pédagogique décentralisée de manière à rendre l’établissement redevable de la qualité des acquis des élèves, attestée par des évaluations périodiques faites selon les normes internationales.

 

Mesure 2 :

 

Lancer un programme d’accompagnement des établissements scolaires pour l’élaboration et la mise en œuvre de leur projet d’établissement.

 

Mesure 3 :

 

Evaluer périodiquement  les établissements scolaires sur la base de la qualité des acquis de leurs élèves et en publier les résultats .

 

 

 


2.2.      Un déficit en information et communication entraine une mauvaise orientation professionnelle des élèves et des étudiants

 

Dans le système éducatif, les flux sont subis plutôt que gérés et la distribution des effectifs est surtout fonction des ressources existantes dans les établissements  et ne se soucie guère des débouchés professionnels ultérieurs. Le système n’est doté ni d’une bonne capacité de captage des signaux du marché de l’emploi ni de celle de leur transformation en consignes de fonctionnement.

 

En fait, la défaillance dans la régulation des flux commence à apparaître à partir de la fin du cycle de l’enseignement de base. La totalité du flux de réussite est aiguillée automatiquement vers l’enseignement secondaire, sans que l’alternative d’un choix volontaire, parce que bien informé, vers la formation professionnelle ne soit envisagée. A l’intérieur de l’enseignement secondaire, une part importante s’oriente par défaut vers la filière lettres et économie qui les mènera à une formation supérieure en sciences humaines et en gestion.

 

La massification de l’enseignement secondaire se transmet à l’enseignement supérieur et se trouve renforcée par la large diffusion géographique des établissements d’enseignement supérieur en lettres, sciences humaines et gestion.

 

Cette défaillance de régulation des flux explique en grande partie pourquoi un grand nombre de demandeurs d’emploi issus de l’enseignement supérieur se trouve exclu du marché du travail.

 

Le système éducatif et de formation accuse un grand déficit en matière d’information et de communication. Ainsi :

·         L’information des jeunes sur les métiers et l’état du marché du travail est très peu développée à tous les niveaux du système éducatif.

·         La recherche scientifique sur le fonctionnement du marché de l’emploi et la diffusion des études spécialisées sont en deçà de l’importance des enjeux.

·         Il y a peu de marketing des produits de l’Université auprès des élèves futurs bacheliers et auprès des employeurs potentiels.

 

En mal d’information, la demande sociale de la formation s’exprime mal. Cette demande est historiquement forte en Tunisie pour l’instruction et l’éducation et elle traduit en fait une aspiration à la promotion sociale, rendue possible par l’accès à l’emploi que devait assurer cette éducation. Toutefois, les difficultés d’insertion de certains profils n’ont pas encore suffi pour réorienter cette demande du parcours de formation standard.

 

Les formations supérieures restent essentiellement pilotées par les flux de  bacheliers malgré la volonté déclarée de créer des liens solides entre les formations universitaires et le monde économique et d’améliorer l’employabilité des diplômés,.

 

La société tunisienne dans son ensemble, familles, classe politique, acteurs du système éducatif et acteurs économiques, ne s’est pas encore appropriée le fait que l’employabilité se décide très tôt et s’affine de manière progressive et  que la question de l’emploi ne peut plus se poser en aval d’un diplôme mais très tôt en amont de celui-ci.

 

Un partenariat entre les services publics d’emploi et le système d’éducation et de formation devrait contribuer à atteindre cet objectif. Agir en amont de l’entrée des jeunes dans la vie active permet d’éviter les problèmes de chômage lié à l’imperfection de l’information sur le marché du travail et pousse le système de formation, par la pression d’étudiants informés, à prendre en considération les besoins des entreprises en compétences.

 

Les activités actuelles des services publics d’emploi au sein du système éducatif sont rudimentaires: l’information fournie aux élèves et aux étudiants n’est pas toujours pertinente et se donne souvent dans des conditions qui ne permettent pas d’aider les jeunes à découvrir le monde professionnel et faire un choix de filière de formation (une journée de campagne d’information à la fin de l’année). Une véritable éducation à  l’orientation professionnelle  est absente à tous les niveaux du système d’éducation.

 

Proposition stratégique N°20

 

Objectif : Rendre disponible l’information qui aide à l’orientation professionnelle volontaire

 

 

Mesure 1 :

 

Tous les collèges et lycées sont redevables de la mise en place d’une fonction  permanente d’information sur les métiers et l’état du marché du travail à l’intention des jeunes de leur établissement en collaboration avec les services publics de l’emploi et les organisations professionnelles de leur environnement.

 

Mesure 2 :

 

Les universités sont redevables de la mise en place d’une fonction marketing des formations de l’Université auprès des élèves, futurs bacheliers, et auprès des employeurs potentiels, en relation avec les observatoires de l’insertion.

 

Mesure 3 :

 

Les universités sont redevables de la création de laboratoire de recherche  scientifique sur le fonctionnement du marché de l’emploi ainsi que la diffusion des études spécialisées en la matière.

 

 

 


 

2.3.      Les modes de formation, l’organisation des établissements universitaires et le statut des enseignants ne favorisent pas la professionnalisation des filières de l’enseignement supérieur et son ouverture à l’international.

 

 

Indépendamment de la dynamique de la création d’emploi par l’économie, la non insertion s’explique pour un grand nombre de demandeurs d’emploi par un profil de formation qui ne correspond pas ou ne correspond plus à un besoin du marché.

 

On peut citer à titre d’exemple les diplômés en lettres et sciences humaines qui sont pratiquement exclus du marché du travail.  L’enseignement, qui est leur débouché professionnel traditionnel, est devenu inaccessible en raison du grand déséquilibre entre l’offre et la demande d’emploi. Le stock croissant de la demande non satisfaite se traduit par un chômage de longue durée, vécu douloureusement, notamment par les diplômés issus de catégories sociales modestes. Certains, qui ont atteint un âge avancé, perdent l’espoir de trouver un emploi après l’échec répété au « CAPES ». 

 

Pour d’autres catégories de diplômés du supérieur, les compétences réelles ne correspondent pas à celles qui sont annoncées. Croyant diversifier les filières, les établissements d’enseignement supérieur d’économie et de gestion ont multiplié les étiquettes des diplômes. De ce fait, pour les employeurs comme pour les agents des bureaux d’emploi, le diplôme n’annonce plus clairement le contenu de la formation et les compétences du diplômé. Ceci complique la situation des diplômés sur le marché du travail car le diplôme perd sa fonction de signal prédicteur des compétences maitrisées par le candidat à l’emploi.

 

Par ailleurs, la majorité des diplômés ignore le fonctionnement du marché du travail. Ils découvrent au prix d’une longue période de chômage que leur profil de formation et leur ambition professionnelle ne sont pas adaptés aux critères de recrutement des employeurs.

 

Ce décalage qualitatif profond entre offre et demande est imputé au processus éducatif et de formation et à la représentation sociale  qui consacre la séparation  entre  la formation et le travail.

 

Une formation qui insère est une formation en relation directe avec l’entreprise. Elle nécessite pour l’établissement de formation le passage d’une logique d’offre à une logique de demande, c’est-à-dire à une « approche client » qui est une démarche permanente de prospection et d’identification, et d’aide à l’expression des besoins du client.

 

Les exigences du mode de formation avec l’entreprise (séquence de formation en entreprise, déplacement, formation à distance, formation individualisée, etc.) diffèrent de ceux de la formation traditionnelle réalisée dans l’espace délimité d’un établissement de formation selon un calendrier rigide préétabli.

 

Cette approche implique un mode de fonctionnement basé sur une réactivité et une souplesse qui ne peuvent être obtenues que grâce à une autonomie de gestion effective, au niveau de la pédagogie, du financement et de l’administration.

 

Par ailleurs, la réglementation actuelle sur l’apprentissage, qui définit un statut pour l’apprenant qui lui permet d’acquérir des compétences aussi bien en entreprise que dans un établissement de formation, constitue  aujourd’hui une source de blocage à l’adoption de la pédagogie de l’alternance à large échelle au niveau de la formation professionnelle et son introduction dans l’enseignement supérieur, contrairement à ce qui se passe dans les pays européens. Le blocage vient de la limitation de l’âge d’entrée en apprentissage à 20 ans, limite inférieure à l’âge des candidats à la formation professionnelle et à l’enseignement supérieur.

 

Les licences appliquées co-construites constituent une bonne voie pour atteindre les objectifs de la réforme. Toutefois, cette voie stratégique de lien avec l’emploi risque de ne pas être suffisamment attractive pour entrainer un grand nombre d’étudiants en raison du risque qu’elle soit perçue comme une impasse et qu’elle ne donne aucune perspective de parcours promotionnel, alors que pour les licences fondamentales on affiche clairement ce parcours.

 

De ce fait, les filières qui permettent une insertion facile risquent de ne pas être attractives, ce qui est nature à entrainer un gonflement des effectifs dans les filières fondamentales avec deux dangers simultanés :

·         un faible rendement qualitatif.

·         Une orientation emploi insuffisante pour un grand nombre de diplômés.

Proposition stratégique N°21

 

Objectif : Favoriser la professionnalisation des formations supérieures

                                                 

 

Mesure 1 :

 

Mettre en place dans les établissements universitaires une organisation administrative et pédagogique décentralisée qui leur permet de moduler la capacité de leurs  filières de formation en fonction des résultats d’insertion professionnelle de leurs diplômés.

 

Chaque établissement engage d’urgence une opération de redéploiement de ses ressources en diminuant les capacités des filières de formation à insertion très difficile.

 

Mesure 2 :

 

·        Les missions des enseignants de l’enseignement supérieur intègrent les exigences d’une formation articulée avec l’entreprise.

 

·        Le corps enseignant de chaque établissement universitaire doit comprendre des professionnels en exercice selon un statut pédagogique valorisant et attractif pour l’expertise.

 

Mesure 3 :

 

L’Etat subventionne les jeunes qui s’inscrivent dans les établissements privés d’enseignement supérieur qui pratiquent la formation avec l’entreprise.

 

Mesure 4 :

 

Instituer une nouvelle voie de formation d’ingénieur utilisant la pédagogie de l’alternance, conçue selon une ingénierie par compétences  et en recourant à un corps enseignant-ingénieur. Ces formations  sont ouvertes principalement aux titulaires des licences appliquées, notamment co-construites,

 

Mesure 5 :

 

Ouvrir cette nouvelle voie de formation aux personnes en situation de travail sur la base d’une validation des acquis professionnels.

 

Mesure 6 :

 

La limite d’âge d’entrée en apprentissage, comme mode de formation supérieure,  est supprimée.

 

Mesure 7 :

 

La démarche de la professionnalisation et de la relation avec le système productif est étendue aux formations agronomiques.

 

 

 

 

Proposition stratégique N°22

 

Objectif : Ouvrir l’Université à l’international

 

 

Mesure 1 :

 

Chaque filière de formation universitaire doit comporter au moins un module dispensé en langue française et au moins un module dispensé en langue anglaise.

 

Mesure 2 :

 

Chaque université doit établir des relations au niveau international à même de lui permettre d’assurer des formations de qualité, utilisant des pédagogies innovantes,  ouvertes sur l’international, de développer les co-diplomations et d’une façon générale d’améliorer le positionnement international et la notoriété du système universitaire tunisien, et ce notamment par la mobilisation des compétences tunisiennes installées à l’étranger et d’un corps enseignant étranger

 

Mesure 3 :

 

Créer au niveau de chaque université des formations certifiantes selon les normes internationales des professions.

 

Proposition stratégique N°23

 

Objectif : Une université virtuelle plus ambitieuse

                         

 

Mesure 1 :

 

Elargir le champ des ressources en ligne de l’université virtuelle de manière à couvrir toutes les filières de formation et  ce en donnant accès à des ressources pédagogiques internationales.

 

Mesure 2 :

 

L’Université virtuelle élabore et diffuse les outils d’ingénierie et de production de supports numériques pour permettre  le développement des formations en alternance en privilégiant la présence en entreprise.

 

 

Mesure 3 :

 

Les bibliothèques publiques, les maisons de jeune, les maison de la culture et, les clubs pour jeunes mettent à disposition des apprenants de manière gratuite des postes de travail connectés à Internet par une large bande et donnant accès exclusif à l’Université Virtuelle et à l’Ecole Virtuelle.

 

2.4.      La formation professionnelle n’est pas encore attractive parce qu’elle continue à conduire à des impasses et qu’elle est positionnée pour accueillir et surtout masquer l’échec scolaire.

             

 

La réforme de la formation professionnelle a marqué un tournant historique dans les relations entre le monde des entreprises et celui de la formation, en accompagnement de la politique de mise à niveau de l’économie tunisienne et de son ouverture sur le monde. Pilotée par les besoins de l’économie  en compétence, elle s’est fixée un objectif double: améliorer la compétitivité de l’entreprise et insérer facilement et rapidement les formés.

 

Mais ses acquis restent fragiles. La formation professionnelle ne s’est toujours érigée en une filière valorisée qui offre de manière simultanée une ouverture sur le monde de l’entreprise et une perspective de promotion professionnelle jusqu’au niveaux les plus élevés de la qualification. C’est seulement à cette condition que la voie de la formation professionnelle peut devenir une voie attractive, une voie de réussite.

 

L’ouverture des perspectives de la formation professionnelle, appuyée par une information pertinente sur les métiers et sur le marché du travail, est de nature à renforcer l’attrait de cette voie pour les élèves au terme de l’enseignement de base et dans l’enseignement secondaire pour en faire une voie alternative à la voie  universitaire. La valorisation de la formation professionnelle et la convergence de la formation initiale et de la formation continue permet également d’offrir des trajectoires qui combinent l’accès au travail et la poursuite de la formation et diminue la pression sur  le système de formation initiale surtout universitaire.

 

Sans cette vision  de valorisation, le risque existe de voir la formation professionnelle redevenir une voie scolaire de deuxième chance pour des jeunes en difficulté scolaire extrême et n’ayant pas de motivation réelle pour le métier visé par la formation, d’une part, et les objectifs de l’emploi et de la compétitivité abandonnés, d’autre part.

 

 

 

Proposition stratégique N°24

 

Objectif :    Valoriser la formation professionnelle

  

 

Mesure 1 :

 

·        Tous les diplômes de la formation professionnelle sans distinction permettront la poursuite de la formation à un niveau supérieur dans le cadre d’une formation professionnelle avec l’entreprise ou après une période de travail en entreprise. ([7])

 

·        L’Agence Tunisienne de Formation Professionnelle est chargée de la mise en place de filières promotionnelles ouvertes jusqu’au niveau de qualification le plus élevé en partenariat avec les organisations professionnelles et les universités.

 

Mesure 2 :

 

·        Les centres de formation professionnelle. offrent des formations initiales et des formations continues conçues sur la base de référentiels métiers définis par compétence et qui tiennent compte de la validation des acquis de l’expérience.

 

 

 

 


 

2.5.      Un manque d’appropriation  des réformes qui ne permet pas de concrétiser les objectifs fixés.

 

 

Il doit être évident d’admettre que l’amélioration de la qualité de la formation à tous les niveaux du système éducatif s’obtient par la promotion de la pédagogie surtout lorsque les réformes se référent à un cadre conceptuel précis comme l’approche par compétence. Depuis la marginalisation des sciences de l’éducation au niveau de l’Université Tunisienne et la suppression des écoles normales, la préparation au métier d’enseignant a disparu. Le système fonctionne avec des acteurs qui apprennent le métier sur le tas. Ceci est très insuffisant pour mettre en œuvre des réformes qui se référent à plusieurs courants des sciences pédagogiques.

 

Ce n’est pas avec une formation continue dispersée dans le temps et organisée durant les vacances, c'est-à-dire à un moment où les enseignants ne sont pas motivés par cette « activité », qu’on remplace une formation initiale structurée et professionnelle.

 

L’effet négatif de l’insuffisance de professionnalisation est amplifié par la massification de l’enseignement. La gestion des classes et des établissements chargés et socialement hétérogènes devient difficile pour atteindre les objectifs de qualité fixés par les réformes. De nombreux établissements souffrent encore d’une insuffisance en formateurs, de nombreuses filières sont peu dotées en compétences appropriées, etc. Les sureffectifs sont souvent déplorés. Le manque de moyens pour le fonctionnement dans des conditions acceptables est également souvent cité.

Proposition stratégique N°25

 

Objectif :      Professionnaliser le métier d’enseignant

 

 

Mesure 1 :

 

Créer dans chaque université une filière de formation initiale dans  les métiers de l’éducation couvrant les besoins de l’enseignement de base et les lycées de leur région, en partenariat avec ces établissements.

 

Mesure 2 :

 

Les titulaires d’un diplôme dans les métiers de l’éducation sont recrutés directement par les établissements scolaires  de la région de l’université de formation.

 

Mesure 3 :

 

Chaque université est redevable de la création d’un laboratoire de recherche  en sciences de l’éducation ainsi que la diffusion des études spécialisées en la matière.

 

2.6.      Une représentation sociale  qui consacre la séparation  entre  la formation et le travail

 

Plusieurs tentatives sont mises en place périodiquement pour établir des relations entre le système éducatif et l’entreprise.

 

Elles ont été relativement fructueuses dans le cas de la formation professionnelle grâce à un partenariat public-privé entre le dispositif de formation et les organisations professionnelles. Toutefois, il semble que ce partenariat ait connu un essoufflement ces dernières années.

 

Au niveau de l’enseignement supérieur, un partenariat similaire est à ses débuts ([8]) et ne donne pas  encore de résultats visibles au niveau du système dans son ensemble. La situation globale continue à se caractériser par une faible participation des entrepreneurs dans le processus de formation et une faible connaissance de la réalité de l’entreprise par les responsables de la formation. 

 

L’opposition entre études et travail est quasi générale et à l’exception de quelques cas particuliers (la médecine, par exemple), il est considéré qu’il y a d’abord un temps pour les études et après un temps pour le travail. Cela explique l’absence quasi généralisée de mobilité entre formation et travail et le faible contact des diplômés en cours de formation avec l’entreprise.

 

La formation tout au long de la vie est un concept qui n’a pas encore de déclinaison réelle dans la stratégie de la société tunisienne, bien que de nouvelles formes de formation commencent à apparaître grâce aux nouvelles technologies. La formation continue apparaît encore comme une stratégie de consommation de ressources financières plus que comme une stratégie pour le plus grand nombre d’employés pour améliorer leur qualification et surtout leur employabilité.

 

L’organisation institutionnelle et pédagogique du système d’éducation et de formation n’a pas inscrit dans les faits le concept formation tout au long de la vie, souvent en raison de l’ignorance du sens de ce concept par les acteurs. Ce problème d’appropriation du concept se pose également dans le monde des entreprises et celui des structures d’intermédiation sur le marché du travail.

 

Le droit social a consacré cette séparation. Autrement dit, il n’a pas évolué comme dans les pays européens où le droit social a intégré la notion de formation tout au long de la vie (FTLV). Celle-ci est devenue une réalité inscrite dans l’organisation du système d’éducation et de formation en créant une voie de formation fondée sur un système de validation des acquis de l’expérience professionnelle (VAE). La FTLV est devenue aussi un axe stratégique de la gestion des carrières professionnelles au niveau du système productif.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

C.    Quatrième partie : Peut-on promouvoir l’emploi par un meilleur fonctionnement du marché du travail?

 

 

 

 


1.    Introduction

 

Le bon fonctionnement du marché du travail est une condition nécessaire pour la compétitivité des entreprises, la croissance économique et la cohésion sociale.

 

Il est essentiel que les services publics d’emploi (SPE) soient performants et le rôle des opérateurs privés bien défini et intégré à une stratégie nationale de régulation du marché du travail. Dans l’hypothèse où la faible performance des services publics et le rôle mal défini des opérateurs privés ne seraient pas significativement modifiés, la sélectivité sociale du marché du travail et la précarité de l’emploi risquent de s’institutionnaliser. L’Etat perdrait alors le contrôle sur le contenu de ses politiques d’emploi et de travail.

 

2.                Axes d’amélioration

 

 

Le fonctionnement du marché de l’emploi donne des signes évidents de faiblesse qui font que l’offre et la demande peuvent ne pas se rencontrer, que les programmes d’aide à l’insertion peuvent ne pas cibler les catégories qui en ont besoin et que les traitements faits à partir des données disponibles ne permettent pas d’orienter la politique de l’emploi.

 

Le dysfonctionnement du marché de l’emploi peut être perçu à travers les difficultés particulières des jeunes à accéder à leur premier emploi. En 2004, alors que le taux de chômage de la tranche d’âge 25-60 ans n’a pas dépassé 10%, celui des jeunes de 18 à 24 ans atteignait en moyenne 28%. Ce taux a atteint 31% en 2007, soit près de trois fois celui de la population adulte active (25-60 ans). Dans certaines régions, comme à Jendouba, il dépasse même 50%.

 

2.1.      L’intermédiation des services publics de l’emploi ne garantit pas la rencontre des offres et des demandes

 

L’Agence Nationale de l’Emploi et de Travail Indépendant, ANETI, assure le service public de l’emploi à travers un réseau national de 82 bureaux de l’emploi et de 6 espaces entreprendre.

 

Les missions de l’ANETI couvrent tous les aspects de l’intermédiation sur le marché de l’emploi et l’Agence dispose depuis une dizaine d’années d’un service d’inscription et de consultation en ligne sur Internet des offres et des demandes d’emploi, techniquement performant. En plus du service de sourcing qui donne une visibilité instantanée sur les offres d’emploi disponibles et sur les candidats à la recherche d’un emploi, l’ANETI dispose d’un service spécialisé en accompagnement et orientation, appelé « Unité d’Information et d’Orientation Professionnelle » qui a pour missions d’accueillir, d’informer et d’orienter les demandeurs d’emploi, de les aider à construire un projet professionnel répondant à leurs besoins, de définir les étapes du parcours d’insertion professionnelle qui optimise les chances d’accès ou de retour à l’emploi et de les accompagner jusqu’à leur insertion professionnelle en les aidant  dans les démarches nécessaires. Ce service est également chargé d’apporter des réponses adaptées aux besoins de recrutement des entreprises.

 

Dans les faits, on en est très loin.

 

Si le service offres-demandes fonctionne techniquement de manière correcte et l’accès aux données est aisé, les informations fournies sont de moindre qualité et leur pertinence parfois douteuse. Il arrive parfois que les nomenclatures adoptées pour classer les offres et les demandes ne permettent pas d’en avoir une idée claire et risquent même d’induire en erreur. Les erreurs « d’étiquetage » contribuent à la non mise en relation des offres et des demandes d’emploi.

 

En effet l’effort remarquable fait il y a une dizaine d’années n’a concerné que le support informatique et son utilisation.  Les outils conceptuels sur lesquels repose le système d’information n’ont pas fait l’objet d’un travail spécifique (référentiels des offres et référentiels des demandes). Les offres d’emploi sont exprimées et saisies dans un langage approximatif et les demandes d’emploi reproduisent des intitulés de diplômes et de spécialités souffrant eux-mêmes et de plus en plus d’un déficit de clarté. De plus les données introduites ne subissent aucune vérification,  contrôle de vraisemblance ou validation.

 

Les autres services sont bureaucratisés. L’orientation professionnelle est réduite à un guichet d’information, la fonction bilan de compétences et aide à la construction de projet professionnel est virtuelle et le gros du personnel est absorbé par des tâches administratives liées à l’élaboration et le contrôle des milliers de contrats d’aide à l’insertion  et la gestion des subventions accordées aux entreprises. Le personnel n’a pas bénéficié de formation initiale ou continue qui  le  prépare réellement aux fonctions exercées. De plus, l’expérience professionnelle a été acquise dans une organisation marquée par son fonctionnement bureaucratique, où l’indicateur de bon respect des procédures vient largement avant l’efficacité. Par ailleurs,  le  rare personnel professionnel peut éprouver des difficultés à donner le mieux de soi dans un contexte où la qualité de la prestation n’est pas déterminante dans  sa promotion.

 

Sur le plan matériel, les bureaux d’emploi se trouvent généralement débordés. Cependant, l’acuité de la surcharge se caractérise aussi par une forte inégalité régionale qui traduit l’inadaptation de l’allocation des ressources humaines et matérielles (espaces) au volume du flux des demandeurs d’emploi et à l’intensité de leur fréquentation. La situation est critique dans  quatre gouvernorats qui cumulent l’exiguïté des locaux d’accueil et la forte charge du personnel. Il s’agit de Gafsa, Tataouine, Kebili et Ben Arous.

 

Sans formation spécialisée, sans outils adaptés à la mission des services publics d’emploi, et dans des conditions matérielles difficiles dans plusieurs gouvernorats, le personnel ne peut pas être mobilisé pour assurer l’accueil, l’information et l’orientation des personnes; la construction et la validation d’un projet professionnel répondant aux besoins de  développement des compétences de la personne et encore moins accompagner les demandeurs d’emploi jusqu’à leur insertion professionnelle.

 

 

Proposition stratégique N°26

 

Objectif :      Améliorer l’efficacité des interventions des services publics de l’emploi.

 

 

Mesure 1 :

 

·        Lancer un programme de mise à niveau des services de l’emploi pour les doter d’une nouvelle organisation, d’un mode de gestion approprié aux missions spécialisées, redéfinir les missions des agents et les compétences requises pour les assumer, leur assurer des formations en relation avec ces missions .

 

·        Adapter la répartition et les ressources des services de l’emploi au niveau d’activité de chaque bureau.

 

Mesure 2 :

 

Les SPE externalisent certaines de leurs missions selon des référentiels normatifs qui garantissent le contrôle par l’Etat du contenu de sa politique active de l’emploi et développent une capacité de pilotage des missions externalisées.

 

 

2.2.      L’efficacité des programmes d’emploi est discutable.

 

Les instruments de la Politique Active d’Emploi (PAE) se caractérisent par une grande diversité et une accumulation depuis le début des années 60. Au fur et à mesure que de nouvelles problématiques apparaissent, de nouveaux instruments sont créés sans que les anciens programmes ne soient modifiés ou supprimés. De plus, les informations sur le fonctionnement de ces instruments sont dispersées et il est difficile de savoir si ces instruments sont réellement opérationnels et encore moins d’en faire une évaluation précise. Cette complexité pose des problèmes de lisibilité, de double emploi, de coordination et de pertinence des programmes par rapport à la structure du chômage. On compte à la fin du premier semestre 2008 près de 50 programmes dont 11 concernent surtout les diplômés de l’enseignement supérieur ou leur sont totalement dédiés.

 

Malgré le déploiement massif depuis longtemps de ces programmes, il n’existe pas de processus régulier et rigoureux d’évaluation de leur efficacité et de leur équité. Faute d’évaluation rigoureuse, les outils n’ont pas  ciblé les populations qui en ont besoin et n’ont pas été à même d’apporter des solutions au noyau dur du chômage. La dernière évaluation date de 1998.

 

Ces programmes visent sans distinction les demandeurs d’emplois et ne ciblent pas les demandeurs d’emploi en difficulté d’insertion. De ce fait, ces programmes sont devenus des instruments de masse. Ils ont touché en 2007 l’équivalent de 80% d’une promotion annuelle contre moins de 30% au début des années 2000.

 

Pour les besoins de la Consultation, il a été possible de réaliser un travail d’analyse de l’efficacité des programmes d’emploi destinés aux diplômés de l’enseignement supérieur.

 

Cette évaluation a montré que  ce sont les diplômés des établissements les plus renommés et les plus sélectifs à l’entrée qui enregistrent les taux d’utilisation des programmes d’emploi les plus élevés. Parmi les diplômés de l’enseignement supérieur, plus des ¾ des diplômés des facultés de médecine, de pharmacie, de l’ENSI, de l’ENIT et de HEC bénéficient d’une insertion aidée grâce aux programmes d’emploi. Par contre, moins du ¼ des diplômés des facultés des sciences et celles des lettres et sciences humaines ont accès à ces programmes.

 

Le SIVP1 et le PC50 se présentent comme instruments de facilitation d’accès des nouveaux en diplômés aux entreprises. Ils permettent aux entreprises d’avoir une information sur le potentiel réel des candidats, information que les diplômes ne permettent plus de donner, et d’en choisir les meilleurs en connaissance de cause. Ce ne sont donc pas des instruments pour traiter le noyau dur du chômage.

 

Les résidents du grand Tunis en sont les plus gros bénéficiaires (47% de bénéficiaires parmi la population de base) contre moins de 25 % au Centre Ouest ou au Sud-est

 

Les instruments SIVP1 et PC50 ont une efficacité positive, c'est-à-dire que les bénéficiaires ont plus de chance de s’insérer que les non bénéficiaires. Deux ans après l’inscription auprès des services de l’emploi, 37% des bénéficiaires sont insérés alors que le taux d’insertion des non bénéficiaires ne dépasse pas 12%.  Le différentiel est donc de 25 points. Cependant, ce différentiel varie fortement d’une région à une autre et d’un profil à un autre. Il tombe à moins de 16 points dans les régions de l’Ouest  alors qu’il dépasse 30 points pour le Nord-est.

 

Par contre et pour les instruments du Fonds National pour l’Emploi (21-21) l’évaluation a montré que leur efficacité est négative, c'est-à-dire que la difficulté  d’insertion des bénéficiaires augmente par rapport à ce qu’elle l’est en leur absence. 

 

La différence entre les deux catégories d’instruments s’explique facilement. Les instruments SIVP1 et PC50 introduisent le jeune dans l’entreprise et facilitent donc son insertion. Par contre les autres instruments sont basés sur une logique d’offre de formation et non de demande économique. Ils consistent en des modules standards de formation complémentaire définis par les institutions de formation indépendamment du profil du demandeur d’emploi et du besoin des entreprises. Leur attrait principal est l’indemnité de 150 dinars versée durant les 9 ou 10 mois de formation. Ils constituent de ce fait des instruments d’attente et non d’insertion.

 

On relève ainsi trois insuffisances majeures dans les instruments actuels de la Politique Active de l’Emploi : ils ne ciblent pas les demandeurs en difficulté d’insertion, ne sont pas adaptés aux régions qui enregistrent les taux de chômage les plus élevés et ne sont pas efficaces quand ils prennent la forme de formation pilotée par l’offre.

 

Proposition stratégique N°27

 

 Objectif :     Augmenter l’efficacité des instruments de la politique active de l’emploi

 

 

Mesure unique :

 

·        Redéfinir la panoplie des instruments de la politique active de l’emploi sur la base de l’évaluation réalisée à l’occasion de la Conférence Nationale de l’Emploi et veiller à ce que les instruments retenus facilitent réellement l’insertion, ciblent les demandeurs en difficulté d’insertion et soient adaptés aux réalités régionales.

 

·        Transformer la formation continue en un instrument de la politique de l’emploi.

 

2.3.      L’information sur le marché de l’emploi ne constitue pas une aide à la prise de décision

 

Bien que la Tunisie dispose d’un cadre institutionnel et juridique  favorable à la mise en place d’un système d’information intégré et d’institutions qui produisent ou détiennent des données et qui peuvent générer des informations utiles à la conduite du  marché de l’emploi, celui--ci reste insuffisamment renseigné. Les données disponibles sont parfois parcellaires, non pertinentes et leur traitement ne permet pas une prise de décision efficace.

 

En effet, les données ne sont pas produites dans un cadre normatif rigoureux et surtout partagé. Ce manque de rigueur dans le recours à des nomenclatures normalisées crée une difficulté majeure pour le traitement des  données et leur interprétation et un obstacle à la fluidité de l’information statistique et à la confrontation des fichiers.

 

En plus de l’insuffisance due à la normalisation, les données recueillies, souvent à grand frais, ne sont pas suffisamment exploitées en interne ni accessibles de l’extérieur. 

 

Les informations traitées sont devenues de moins en moins accessibles. Elles sont soit diffusées avec retard, de manière partielle et sous un format trop agrégé, soit carrément, non publiées.

 

Du fait de ces insuffisances, les décideurs en matière de politiques d’emploi se trouvent démunis. Les informations dont ils disposent sont trop tardives, partielles et parfois non pertinentes et ne constituent nullement des outils d’aide à la décision. La rétention de l’information constitue aussi un obstacle à l’orientation professionnelle des jeunes et au développement de la recherche sur le marché du travail.

 

Proposition stratégique N°28

 

Objectif :      Améliorer l’information sur le marché de l’emploi

 

 

Mesure unique :

 

·        Doter l’Observatoire de l’Emploi et des Qualifications d’une autonomie opérationnelle et de la responsabilité de fournir les informations nécessaires à la prise de décision en matière de pilotage de la politique de l’emploi

 

·        L’Observatoire de l’Emploi et des Qualifications fonctionne en réseau avec les laboratoires de recherche sur le marché du travail.

 

 

2.4.      Des opportunités d’emploi salarié du marché mondial ne sont pas saisies

 

L’importance des fonds envoyés par les émigrés en % du PIB, peut être un indicateur de la position du pays dans la compétition d’accès au marché mondial du travail. En 2006, la Tunisie occupe une position intermédiaire parmi les pays de la région MENA, avec des fonds qui représentent 5% du PIB contre 9,6 % pour le Maroc et 20,2 % pour la Jordanie. Actuellement, le flux migratoire à la recherche d’un emploi atteint 11 mille personnes par an.

 

Le profil des candidats tunisiens et le fonctionnement des institutions tunisiennes chargées de l’émigration constituent aujourd’hui des obstacles à l’amélioration de la position de la Tunisie dans la compétition internationale.

 

Les candidats tunisiens à l’émigration sont handicapés par le manque de maîtrise des langues étrangères, notamment l’anglais.

 

L’obstacle des langues étrangères à la diversification des pays de destination de l’émigration des diplômés de l’enseignement supérieur est bien connu depuis longtemps. Un effort est fourni pour neutraliser l’obstacle de la langue étrangère avec des actions de formation financées par les programmes d’emploi. Mais l’obstacle de la langue persiste et explique en partie la difficulté rencontrée par les émigrés tunisiens à s’orienter vers de nouveaux segments du marché mondial; notamment ceux où la maîtrise de l’anglais est une condition nécessaire. A cet égard, même dans certains pays arabes (Pays du Golfe) la maîtrise de la langue arabe ne suffit plus pour accéder à un emploi hautement qualifié.

 

Au niveau des institutions, il existe trois principales structures concernées par l’émigration qui fonctionnent sans aucune coopération entre elles. Chacun de ces services est en charge d’un volet partiel du phénomène.

 

  • L’ANETI chargée de l’émigration trouve déjà des difficultés pour affronter la pression du marché local. Par conséquent, elle n’a pas les moyens pour développer et mettre en œuvre une stratégie de prospection d’emploi à l’échelle internationale.

 

  • L’ATCT spécialisée dans la coopération technique limite son action aux pays arabes du Golfe avec une démarche de prospection qui n’a pas été suffisamment dynamique.

 

  • L’OTE limite son action à l’encadrement des tunisiens à l’étranger. Son réseau d’attachés sociaux n’est pas mobilisé dans l’identification des opportunités d’emploi. Sa proximité des associations tunisiennes et la constitution d’un répertoire de compétences tunisiennes à l’étranger n’ont pas été exploitées pour identifier de nouvelles opportunités d’emploi.

 

Le cloisonnement des institutions et le fonctionnement sans stratégie de prospection dynamique des opportunités d’emploi constituent des obstacles à l’amélioration de la position de la Tunisie dans la compétition internationale sur le marché mondial du travail.

Proposition stratégique N°29

 

Objectif :      Exploiter mieux les opportunités du marché mondial de l’emploi.

 

 

Mesure 1 :

 

Regrouper les missions des services de l’émigration en une seule structure pour mener une politique active de prospection des opportunités d’emploi sur le « marché mondial du travail » et de placement des candidats à l’émigration.

 

Mesure 2 :

 

Confier à cette structure la mission de mobilisation des  travailleurs et des chefs d’entreprises tunisiens installés à l’étranger pour améliorer la position de la Tunisie dans la compétition sur le marché international du travail.

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

D.   Cinquième partie : Peut-on promouvoir l’emploi par de meilleures relations du travail?

 


1.           Introduction

 

Lorsque l’on analyse les recommandations de l’OIT, de l’Union Européenne et de l’OCDE, on se rend compte que le dialogue social occupe une place de plus en plus importante dans les stratégies d’intégration dans la mondialisation.

 

La compétitivité interne des entreprises est grandement influencée par l’existence d’un climat social favorable. La compétitivité externe des entreprises est également influencée par l’image que ces entreprises donnent en matière de respect des normes fondamentales du travail. Ceci explique la prolifération des codes de conduite et autres initiatives volontaires privées qui font principalement référence au respect des normes fondamentales de l’OIT.

 

Sous l’impulsion de l’Etat, le dialogue social a permis d’intégrer plusieurs dispositions des normes internationales du travail au droit social tunisien. La négociation collective occupe aujourd’hui une place centrale dans le système tunisien des relations professionnelles. Mais sous sa forme actuelle, le dialogue social est resté intermittent et centré principalement sur les aspects salariaux. Il a certes instauré une atmosphère de paix sociale globale mais n’a pas permis de mettre l’emploi au centre des préoccupations des partenaires sociaux.

 

Une commission nationale du dialogue social, tripartite et placée auprès du Ministre chargé des affaires sociales, a été instituée par la loi du 15 juillet 1996 pour servir de cadre à un dialogue social plus approfondi, mais cette commission ne s’est jamais réunie.

 

2.           Axes d’amélioration

 

Les relations de travail n’intègrent pas la dimension emploi.

 

2.1.      Le cadre du dialogue social ne contribue pas à la promotion de l’emploi

 

 

Le système de négociation collective en Tunisie souffre encore de plusieurs lacunes qui limitent sa fonction de régulation sociale. Ces lacunes sont dues essentiellement à :

 

·           Une centralisation excessive du système de négociation. La convention d’entreprise n’occupe qu’une place subsidiaire par rapport à la convention collective de branche, son contenu largement conditionné par elle et ne vise qu’à adapter ses clauses aux conditions particulières de l’entreprise.

 

·           L’absence d’un cadre juridique adéquat réglementant le processus de la négociation. En effet, il n’existe pas en droit tunisien des dispositions procédurales définissant la périodicité des négociations, leurs différentes étapes, les obligations des parties, etc. La loi semble s’intéresser plus au produit des négociations (la convention collective), qu’à la négociation elle-même.

 

·           Il n’existe pas de cadre approprié à l’analyse approfondie et aux discussions qui permettent l’appropriation des objectifs par les partenaires sociaux et surtout l’acceptation des implications qui en découlent.

 

·           Les partenaires sociaux n’ont pas développé une capacité suffisante à prendre en charge les implications des réformes et à développer  une culture partagée sur des concepts clés des programmes de réformes par un large public parmi les adhérents de l’UTICA et de l’UGTT.

 

Le temps limité et le climat des négociations sociales ne permettent pas de traiter des problèmes complexes et de rechercher les voies qui permettraient de concilier rénovation de l’organisation du travail, compétitivité de l’entreprise et travail décent. L’emploi, problématique complexe, ne peut pas trouver de place dans un dialogue social qui se réduit à une seule séquence de négociations.

 

Malgré l’absence de cadre approprié, quelques initiatives de dialogue social autour de problèmes complexes ont été entreprises selon une démarche d’analyse objective et collective des problèmes, mais elles n’ont pas bénéficié de publicité suffisante.

 

Par ailleurs  le dialogue social au niveau de l’entreprise est resté insignifiant .La représentation des travailleurs dans l’entreprise est dualiste, et repose sur le côtoiement entre les structures de représentations syndicales et non syndicales. Selon l’article 157 du Code du travail, une commission consultative de l’entreprise (CCE) doit être instituée dans toute entreprise employant au moins 40 travailleurs permanents. Présidée par le chef d’entreprise, elle est composée d’une façon paritaire de représentants des travailleurs et de représentants de la direction de l’entreprise.

 

La CCE intervient à titre consultatif dans plusieurs domaines liés à la vie sociale et professionnelle des salariés : organisation du travail dans l’entreprise, promotion, reclassement professionnel, apprentissage, œuvres sociales, discipline, etc.

 

Cependant, les prérogatives de la CCE sont imprécises et sa création se fait principalement sous la pression de l’inspection du travail plutôt que sur initiative des chefs d’entreprises. Ceci traduit l’insuffisance de l’adhésion des chefs d’entreprises à l’implantation des CCE. Cette attitude converge avec l’attitude syndicale également  hostile  à la CCE mais pour des raisons différentes.

 

De ce fait l’implantation  des CCE ne traduit pas un développement du dialogue social au niveau de l’entreprise.

 

Par ailleurs, l’insuffisance qualitative et quantitative des ressources humaines de la mission de conciliation de l’inspection du travail est un obstacle au développement du dialogue social au niveau de l’entreprise et contribue au maintien de relations conflictuelles peu favorables à l’emploi, surtout que la formation des agents de l’inspection du travail a été longtemps centrée sur les compétences de leur mission de police de travail.

 

Proposition stratégique N°30

 

Objectif :     Faire du dialogue social un outil pour la promotion de l’emploi.

 

 

Mesure 1 :

 

Lancer un programme de renforcement de la capacité des partenaires sociaux pour permettre aux organisations professionnelles et à leurs adhérents de s’approprier les implications des réformes en couvrant le niveau national, sectoriel et régional.

 

Mesure 2 :

 

Encourager les organisations professionnelles à engager un dialogue serein, appuyé par une expertise appropriée, autour des problèmes complexes en relation avec la compétitivité de l’entreprise, la modernisation de l’organisation du travail et le travail décent. L’appui à ce dialogue est financé sur les ressources non ristournées de la Taxe à la Formation Professionnelle.

 

Mesure 3 :

 

Inviter les partenaires sociaux à trouver rapidement un accord qui dote l’entreprise d’une capacité d’adaptation, nécessaire à sa compétitivité, et qui rassure en même temps les employés sur leur avenir professionnel.

 

Mesure 4 :

 

Appuyer les organisations professionnelles à diffuser les bonnes pratiques qui concilient compétitivité et travail décent pour favoriser leur appropriation par l’entreprise.

 

 

2.2.      Le code du travail : des concepts non clarifiés à la base de rigidités inutiles et de dérapages.

 

Les articles  du Code du travail renvoient à des concepts généraux tels que bureau de placement, sous-entreprise de main d’œuvre, salarié, travail à domicile, parfois sans en donner des définitions ou des délimitations précises.

 

A titre d’exemple, le « placement » est un processus complexe qui assure la rencontre entre l’offre et la demande d’emploi. Il comprend un ensemble d’activités dans lesquels pourraient intervenir aussi bien les services publics d’emploi que les opérateurs privés.

 

En effet et vue du côté de l’entreprise, la fonction de recrutement englobe plusieurs activités : la définition et la validation des besoins en termes de compétences requises, le sourcing ou recherche de candidats ayant les profils adaptés, la sélection des meilleurs candidats et enfin l’intégration des recrues dans les postes de travail. Ces activités peuvent être assurées en interne ou bien sous-traitées partiellement ou totalement.

 

Vu du côté du demandeur d’emploi, le placement renvoie à l’aide à la recherche d’emploi qui englobe aussi plusieurs activités: l’établissement d’un bilan de compétences, l’inscription dans des bases de données qui facilitent la mise en relation offre-demande, l’identification d’offres d’emploi correspondant au profil du demandeur et enfin la préparation aux tests de recrutement.

 

Le code du travail se contente du seul terme de placement pour désigner toutes ces activités et l’interdit au secteur privé, alors que la fonction placement couvre en fait un ensemble d’activités dont certaines ne peuvent être assurées efficacement que dans un cadre privé. Ce manque de clarification est à l’origine d’activités et d’entreprises dont tout le monde reconnaît l’utilité et la pertinence mais qui ne peuvent fonctionner qu’en  dehors du cadre légal actuel.

 

Sur un autre plan, il existe une confusion entre les trois notions d’externalisation de service, de sélection de personnel et de mise à disposition de personnel d’intérim. Cette confusion a mené à un dérapage dans le fonctionnement des sous-entreprises de main-d’œuvre ainsi qu’à une concurrence déloyale entre les entreprises de ce secteur.

 

L’externalisation, ou sous-traitance d’un service, tels que la comptabilité, la maintenance, la restauration, le gardiennage, le nettoyage, le transit, etc., est une tendance internationale qui vise l’amélioration de la compétitivité de l’entreprise grâce à un recentrage de l’entreprise sur son cœur de métier et la recherche des meilleurs sous-traitants pour les services accessoires. Elle n’a strictement rien à voir avec la fonction intérim.

 

Dans le cas de l’externalisation, l’entreprise de sous-traitance apporte un savoir faire dans le métier sous-traité supérieur à celui de l’entreprise donneur d’ordre. Son apport ne se limite pas à une mise à disposition de main d’œuvre.

 

Les entreprises d’intérim apportent à l’entreprise de production une plus value totalement différente. Leur rôle n’est pas d’assurer un service externalisé mais plutôt la mise à disposition de personnel standard pour un temps limité. Cette formule résout des problèmes ponctuels des entreprises de production en personnel substituable et permet d’autre part à ce personnel d’avoir un travail permanent dans le temps par enchaînement de missions d’intérim ainsi qu’une expérience professionnelle capitalisable pour leur futur professionnel.

 

En plus du manque de précision du terme placement, il y a souvent une confusion entre certaines des activités constituant le placement avec le travail temporaire ou intérimaire. Alors que dans le « placement » l’intermédiaire n’est pas employeur, pour le travail temporaire (également appelé intérimaire) le salarié est embauché et rémunéré par l’entreprise « intermédiaire » qui le met à la disposition d’une entreprise utilisatrice pour une durée limitée.

 

Cette confusion est à l’origine de concurrences déloyales entre entreprises organisées et d’autres qui le sont moins, d’une part et de l’extension du travail précaire, d’autre part.

 

Proposition stratégique N°31

 

 Objectif :    Clarifier les rôles dans l’intermédiation sur le marché de l’emploi et y instaurer une concurrence loyale         

 

 

Mesure unique :

 

Amender le code du travail pour donner une existence juridique aux opérateurs privés d’intermédiation sur le marché du travail et aux entreprises d’intérim en définissant leur rôle de manière précise :

 

·        L’opérateur privé d’intermédiation sur le marché du travail assiste les entreprises dans les opérations de recrutement  en réalisant les activités  suivantes : définition et validation des besoins en termes de compétences requises, recherche de candidats ayant les profils adaptés et sélection des meilleurs candidats.

 

·        L’entreprise d’intérim met à la disposition des entreprises un personnel pour un temps limité dans le respect des normes nationales et internationales du travail.

 

·        Les opérateurs privés d’intermédiation sur le marché du travail et les entreprises d’intérim sont tenus d'adresser régulièrement au Ministère chargé de l’emploi des renseignements d'ordre statistique sur leur activité.

 

 

 

2.3.      La gestion des ressources humaines par compétences est encore embryonnaire

 

La norme internationale ISO 9001 (version 2000) exige que le personnel effectuant un travail ayant une incidence sur la qualité du produit soit compétent sur la base de la formation initiale ou continue, du savoir-faire et de l’expérience. Elle exige également  de déterminer les compétences exigées de ce personnel et de détenir les preuves de la vérification de  la possession de ces compétences. Autrement dit la certification exige de l’entreprise une gestion par les compétences de ses ressources humaines.

 

Cependant, et sauf rares exceptions, la gestion du personnel reste à forte dominante administrative, consistant essentiellement en la gestion des contrats de travail, la paye et les versements aux organismes sociaux. L’encadrement est peu préparé à concrétiser au quotidien un mode de GRH incitant à l’implication, au progrès et à l’amélioration des compétences.

 

 

Le mode de gestion des ressources de la TFP, fortement marqué par les procédures bureaucratiques, n’a pas aidé à promouvoir une autre politique de ressources humaines.

 

L’Administration en charge de la gestion du financement a favorisé un pilotage de la formation continue par l’offre offerte par les Cabinets de formation et tous les acteurs sont arrivés à un consensus implicite en faveur  d’une consommation maximale de ressources.

 

Les nouveaux mécanismes de financement de la formation qui devaient changer le processus de pilotage de la formation continue tardent à être mis en œuvre pour promouvoir le développement des compétences des ressources humaines et leur employabilité tout au long de la vie active.

 

Dans un contexte où la Tunisie a fait le choix de relever le défi de l’expansion de l’économie de la connaissance, l’organisation et la gestion actuelle du financement de la Formation Continue constituent un obstacle au repositionnement des entreprises dans des activités à haute valeur ajoutée.

 

Proposition stratégique N°32

 

 Objectif :    Créer une dynamique de gestion des ressources humaines par les compétences et rationaliser les dépenses de formation continue.   

 

 

Mesure unique :

 

·     Tous les secteurs de l’activité économique se dotent de  référentiel spécifique de métiers  décrits par compétences, géré par les organisations professionnelles, servant comme base aux classifications professionnelles, aux promotions, aux recrutements et à la définition des actions de formation continue.

 

·     L’élaboration de ces référentiels est financée sur les ressources non ristournées de la Taxe à la Formation Professionnelle.

 

·     Adopter un mode de  gestion administrative des instruments de la formation continue articulé à celui des instruments de l’emploi et à la promotion de la formation avec l’entreprise.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

E.    Sixième partie : Peut-on promouvoir l’emploi par une meilleure clarification du rôle de l’Etat, de la Région et de la Société Civile dans le développement économique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1.    Faiblesses et menaces

1.1.      Persistance des interférences entre le rôle de «l’Etat puissance publique»,  de « l’Etat actionnaire» et de            «l’Etat prestataire de services »

 

La Tunisie a introduit des réformes dans plusieurs domaines du secteur public pour relever les défis de la croissance et du développement. L’équité, l’efficacité et la qualité de la prestation des services publics n’ont cependant pas atteint le niveau d’amélioration qui favorise la création des entreprises et qui mobilise celles qui existent autour de la création de l’emploi. C’est ainsi qu’a prévalu la non séparation entre les missions et leur exécution: un service public est forcément assuré par une Entreprise Publique, organisée elle-même sur un modèle bureaucratique. Dans ce mode de gestion, le respect des procédures est plus important que l’efficacité économique

 

L’interférence entre le rôle de l’Etat puissance publique, de l’Etat actionnaire et de l’Etat prestataire de services crée des obstacles à la croissance économique et au développement.

 

En levant les obstacles dans plusieurs domaines du secteur public, l’Etat donne l’exemple du changement exigé par les défis à relever et assure ainsi une meilleure crédibilité à son discours et à ses programmes de réformes.

 

1.2.      L’Etat, un rôle dans le développement en mal de clarification et de consensus.

 

Historiquement, l’Etat, expression de la collectivité nationale englobant tous les aspects de la vie politique, sociale et économique, a joué en Tunisie un rôle de premier ordre dans le développement économique. A côté de son rôle de Puissance Publique, l’Etat a joué simultanément ou successivement plusieurs rôles: stratège, initiateur d’activité, coach, investisseur, entrepreneur, opérateur monopolistique, compétiteur, organisateur et régulateur.

 

Toutefois, le passage de l’économie étatisée des années 60, à une économie administrée des années 70 puis à une économie de marché des années 90, n’a pas été accompagné d’une clarification pour le grand public du rôle de l’Etat et d’une recherche de consensus sur ce rôle. 

 

La prééminence de veilles et fortes traditions administratives n’a probablement pas aidé à la clarification du rôle de l’Etat.

 

 


1.3.      Une politique unique mais un impact différencié selon les régions:

 

La croissance n’a pas eu le même impact sur le marché du travail dans toutes les régions. En effet, et alors que le taux de chômage au niveau national baissait de deux points, il a au contraire enregistré une hausse dans 14 gouvernorats.  Ce paradoxe s’explique en partie par l’état du développement des régions. Dans certains cas, c’est le manque de mobilité à l’intérieur d’une même région ou entre régions voisines qui explique la différentiation. L’état de l’infrastructure et l’organisation du transport y contribuent ; l’absence d’instrument de mobilité dans les programmes d’emploi y est aussi pour quelque chose. Dans d’autres régions, c’est au niveau de l’existence même d’un  marché de l’emploi régional qu’il faudrait chercher l’explication.

 

 

Proposition stratégique N°33

 

Objectif :      Favoriser l’emploi par la mobilité et l’infrastructure

 

 

Mesure 1 :

 

Réaliser un audit mobilité dans chaque bassin d’emploi pour diagnostiquer les insuffisances de moyens de transport et d’infrastructure qui empêchent la fluidité du mouvement des travailleurs dans chaque bassin.

 

Mesure2 :

 

Doter tout le pays d’une infrastructure routière performante permettant une circulation rapide du Nord au Sud et d’Est en Ouest et ouverte sur les pays voisins en plusieurs points de manière à atteindre toutes les destinations du pays en moins d’une demi-journée.

 

Mesure 3 :

 

Rétablir la liaison ferroviaire entre le Centre-Est et le Centre Ouest.

 

Mesure 4:

 

Etendre les liaisons ferroviaires rapides à toutes les  régions et à l’intérieur des grandes agglomérations.

 

Mesure 5 :

 

Créer une liaison ferroviaire TGV entre Tunis et Tripoli dans le cadre de la politique des concessions de l’infrastructure.

 


 

1.4.      La région peut-elle devenir acteur et responsable de son  développement ?

 

Le développement des régions est un objectif clairement affiché dans les politiques économiques. Plusieurs structures ont été créées à cet effet : des conseils régionaux et locaux de développement, des représentations régionales des structures d’appui, des centres d’affaires, des chambres de commerce, des offices de développement, etc.

 

Cependant, la dynamique de création d’entreprise reste faible dans plusieurs gouvernorats. Plusieurs raisons sont avancées pour expliquer cette insuffisance, notamment le manque de culture entrepreneuriale, et la non prise en charge du développement de la région par elle-même, conséquente à une centralisation excessive des structures de l’Etat.

 

Une action sur les structures leur donnant plus d’autonomie est de nature à libérer les énergies créatives au profit du développement de chaque région et à créer une dynamique où la région réfléchit à son développement, mobilise sa société civile, crée des outils de travail appropriés et prend en charge  son avenir.

 

Proposition stratégique N°34

 

Objectif : Doter la région de l’organisation et des outils  qui lui permettent de devenir  acteur de son  développement et responsable de ses résultats.

                                          

 

Mesure unique :

 

·        Créer au niveau de chaque gouvernorat, et doter de ressources de démarrage, une structure autonome non administrative chargée de la promotion de la région et de la facilitation à la création d’entreprise.

·        Le Conseil Régional de Développement contracte cette structure sur la base d’un programme et la rémunère sur la base de résultats atteints, pour formaliser un projet de développement pour la région et le mettre en œuvre

·        Cette structure accompagne personnellement et appuie tous les promoteurs qui souhaitent s’installer dans la région et ce dans toutes les étapes de création et de démarrage d’entreprises et peut leur fournir si nécessaire des facilitations.

·        Cette structure externalise toutes ses activités auprès de sociétés de services performantes.

·        Cette structure bénéficie de l’appui de fonds destinés au développement régional en vue de se doter  d’outils de veille, d’identification d’opportunités économiques, de promotion et d’établissement  de schémas de développement de ressources humaines et d’infrastructure.


CONCLUSION

 

UNE AMBITION POUR LA TUNISIE

 

 

 

Le produit de la Consultation est par définition perfectible. Il en est ainsi parce que bien que laborieux, bien qu’ayant donné lieu à quelques investigations de terrain, quelques analyses statistiques approfondies et un recours systématique aux références internationales, ce produit reste le résultat d’un travail essentiellement bénévole conduit pour l’essentiel sous forme de séances de discussion plutôt que d’études organisées. Un axe de perfectionnement et non des moindres serait évidemment celui de la prise en compte de la nouvelle donne engendrée par la crise financière internationale et de ses retombées éventuelles sur les principaux paramètres de la croissance et de l’emploi.

 

Quoi qu’il en soit et compte tenu des ajustements, perfectionnements et améliorations prévisibles, la force de ces propositions réside dans leur caractère solidaire dû à leur insertion dans un cadre logique qui garantit leur cohérence interne où le tout fait la force des parties et vise versa et toute appréhension isolée de l’une ou l’autre d’entre elles, serait de nature à réduire sa portée et même sa pertinence.

 

Cet exercice de réflexion sur les déterminants de l’emploi, de l’identification des freins les plus importants à la création de plus et mieux d’emploi qualifié permettant de répondre à l’essentiel de la demande additionnelle et d’absorber au moins le noyau dur du chômage structurel, a permis d’identifier un ensemble de solutions concrètes au terme d’un effort de sélection et de structuration guidé par le souci d’assurer un pilotage de l’emploi par une croissance qui engendre une forte valeur ajoutée principalement sous-tendue par la connaissance et la technologie .

 

Remettre en confiance les jeunes et leur redonner espoir par une réingénierie rapide de certains instruments de la politique active de l’emploi visant un meilleur ciblage des populations les plus touchées par le chômage durable : tel est l’objet d’un premier groupe de mesures prévues pour une entrée en vigueur immédiate.

 

Un second groupe de mesures vise à libérer les énergies potentiellement disponibles dans le pays afin d’en optimiser l’exploitation, d’accélérer le rythme de la croissance tout en développant son contenu en valeur ajoutée et donc en emploi. Ces mesures ciblent principalement la compétitivité de l’entreprise, de son environnement, de l’économie et du pays tout entier. L’image du produit tunisien sur les marchés extérieurs, de la destination Tunisie aux yeux des investisseurs et des visiteurs étrangers en seront tributaires.

  

Le troisième groupe de mesures est proposé pour la prise en charge de l’avenir et ce par un ensemble de réformes structurelles portant sur le système d’éducation-formation-enseignement supérieur et recherche, sur la modernisation des relations de travail et du dialogue social dans l’entreprise, sur le rôle de l’Etat et du secteur public, celui de la société civile, y compris le renforcement des structures professionnelles et associatives et celui de la région et des collectivités locales.

 

Tels sont les trois grands axes autour desquels peut être répartie rapidement les quelques  trente cinq propositions stratégiques retenues au terme de la consultation décomposées en une centaine de mesures pour relancer l’emploi.

 

Mais la véritable force de ce produit réside probablement dans le fait qu’il a été  l’objet d’un consensus fort, patiemment tissé à travers la trame des régions et des secteurs et la chaîne des thèmes. C’est là l’atout majeur qu’offre l’initiative présidentielle qui a permis à la société civile de participer à la prise en charge d’un problème aussi stratégique, aussi sensible et aussi complexe que celui de l’emploi. La démarche adoptée pour la conduite des travaux a veillé à créér les conditions de l’adhésion et de l’enthousiasme  et de faire même émerger un sentiment de fierté de pouvoir adhérer à un projet ambitieux et mobilisateur.

 

Que faut-il en penser?

 

On est en droit de penser qu’il s’agit bien là d’une ambition pour la Tunisie. Une Tunisie compétitive dotée d’une image de qualité, d’une image High Tech, définitivement débarrassée de l’image Low Cost qu’elle a trop longtemps trainée. Une Tunisie performante par son économie, son université et ses écoles, par son entreprise, son climat d’affaire et son climat social, une Tunisie qui aura concilié son université et son école avec son économie; une Tunisie qui aura franchi le pas décisif pour entrer dans l’économie du savoir ;  une Tunisie où le taux de croissance approche les deux chiffres et le taux de chômage tend vers un chiffre.

 

 



[1] Slogan de la Consultation

[2] Le ratio “ Nombre de personnes d’âge non actif  prises en charge par un actif” était de 3,2 en 1966, il est tombé à une valeur minimale de 2 vers 2004  pour remonter légèrement à 2,4 vers 2014.

 

[3] 11ème plan, volume 1, p119

[4] (BM.2003)

[5]  Selon l’IEQ, le taux de croissance dans les secteurs à haut contenu en savoir a été en moyenne de 9 % par an au cours de la période 1997-2007 contre 4.6% pour l’ensemble de l’économie. L’emploi s’est développé avec une moyenne de 5.1% dans les secteurs à haut niveau de savoir pendant la période 1999-2005 contre 2.8% pour tous les secteurs.

 

[6] La notion de « littératie » renvoie à la capacité des élèves d’exploiter des savoirs  et savoir-faire dans des matières clés et d’analyser, de raisonner et de communiquer lorsqu’ils énoncent, résolvent et interprètent des problèmes qui s’inscrivent dans divers contextes.

[7] Il ne s’agit de passerelles entre filières utilisant des logiques pédagogiques différentes  et des cursus de savoir différents qui rendent  ces passerelles peu efficaces, mais plutôt de mise en place de filière de formation professionnelle cohérente et complète.

[8] Licences appliquées co-construites

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30 août 2011

A propos de "L'emploi une bombe de retardement":

Merci Si Hassen pour cette contribution pleine d’intelligence et de générosité. Puisse ton appel être entendu. Tu évoques la Consultation Nationale sur l’Emploi que j’ai l’honneur de conduire. Celle-ci a commencé en Février 2008 et s’est conclue par une Conférence Nationale les 7 et 8 octobre à laquelle ont participé un large éventail de représentants de la société civile dont notamment les représentants des partenaires sociaux, des universitaires, des représentants des divers partis politiques y compris ceux qui n’étaient pas représentés à la Chambre des Députés, … J’ai personnellement veillé à ce que la Consultation soit celle de « la Tunisie avec toutes ses potentialités » (slogan de la Consultation) ; qu’elle soit  organisée en toute indépendance par rapport au parti au pouvoir et à l’Administration ; que le Comité National de la Consultation traduise cette indépendance et le souci de recherche du plus large consensus national à travers une certaine forme de  gestion du dissensus; comme j’ai veillé à ce que les Comités régionaux soient  dirigés par des universitaires indépendants et que les travaux se tiennent exclusivement dans les locaux des institutions universitaires. Les travaux, à tous les niveaux, national, sectoriel, local, au niveau des gouvernorats comme au niveau des grandes régions, se sont déroulés dans la plus grande liberté de pensée et d’expression, sans tabou aucun. Ce faisant, je n’obéissais à aucune consigne ni instruction ;  j’agissais, comme je l’ai toujours fait, conformément à mes convictions. Attitude constante, résolue et déterminée et  volonté d’apporter la preuve à ceux qui prétendent le contraire que la plus grande convergence des points de vue est possible dans notre pays, que le débat libre et franc est productif et que les tunisiens peuvent à travers ce type de débat faire prévaloir l’intérêt supérieur de leur pays.

Qu’est il ressorti de cette Consultation ?

1-    D’abord le constat, partagé, rigoureux et sans concession pour ce qui concerne la situation du chômage et les freins à la croissance et à l’emploi. Le diagnostic, fait  deux ans avant l’explosion en chaine qui a conduit à la Révolution du 14 Janvier, avait, à l’époque, surpris  par son audace et sa témérité. Il apparaît aujourd’hui comme prémonitoire et il n’y a rien à y ajouter. Qu’on en juge:

  • « le chômage  concerne essentiellement les jeunes et surtout les diplômés de l’enseignement supérieur. La difficulté d’insertion augmente avec le niveau éducatif. Bien que le taux de chômage général ait été réduit de 2 points, celui des diplômés de l’enseignement supérieur a augmenté, passant de 9% à plus de 17%. On est alors en droit de se demander si l’éducation en tant qu’ascenseur social, serait  en panne. L’effort ne semble pas être  récompensé à sa juste valeur ; il est à craindre dans ce cas que d’autres voies déviantes, voire dangereuses pour l’individu et pour la société et en tout cas contraires à l’éthique soient empruntées par les jeunes à la recherche de promotion sociale.
  • « le chômage affecte différemment les régions avec des disparités qui atteignent parfois 15 points de différence entre certaines d’entre elles. Le pays se trouve de fait  coupé en deux, avec un premier ensemble de gouvernorats situés à l’est où le taux de chômage varie entre 6 et 10 % et un second ensemble, situé à l’ouest où ce taux est pratiquement le double (de 16 à 21%).Par ailleurs, si le taux de chômage a baissé au niveau national entre 2004 et 2007, il a par contre augmenté dans près de la moitié des gouvernorats.
  • « le chômage  touche davantage les femmes que les hommes avec un écart de plus de 5 points en termes de taux.

« La conjonction de ces quatre facteurs (région, genre, génération, niveau d’éducation) ne va pas sans affecter le moral de la nation et questionne le modèle social tunisien et ses choix fondamentaux: l’éducation pour tous comme principale voie de promotion sociale, l’émancipation de la femme et la liaison permanente entre la dimension  économique du développement et sa dimension sociale ».

 
2-    Le schéma de développement adopté par le XIème plan ne sera  pas en mesure de générer suffisamment d’emplois pour réduire de manière significative le taux de chômage, notamment celui des diplômés de l’enseignement supérieur, et les perspectives sont donc préoccupantes. Sans une approche volontariste et innovante, le taux de chômage restera encore à deux chiffres  en 2016..

3-    « En tout état de cause, le fait de savoir  si le taux de chômage global baisserait à tel horizon de un  ou de deux points est tout à fait accessoire. Le véritable enjeu  est de savoir comment réussir une marche forcée des régions de la zone Ouest du pays pour qu’elles rattrapent leur retard, de faire baisser rapidement le taux de chômage à moins de 10% et de faire bénéficier toutes les régions de cette avancée ».  La Consultation Nationale sur l’Emploi a permis de constater que cet objectif est réalisable et a révélé « une forte disponibilité de l’ensemble des composantes de la société civile tunisienne à se mobiliser pour relever le défi de l’emploi et de la compétitivité du pays. »

D’où une gamme variée de propositions concrètes à court, moyen et long termes groupés en 34 propositions stratégiques et plus d’une centaine de mesures concrètes.       

La conduite de cette Consultation, dans le souci de faire participer toutes les potentialités du pays et d’apporter la preuve qu’un consensus sur l’essentiel est possible, réfère en moi  à des convictions solides  et qui n’ont jamais changé : la Tunisie est tout à fait mûre pour la démocratie. Voici en effet un pays de plaine, étouffant d’homogénéité, de vieille urbanité, un pays de classes moyennes ouvert au monde, …. Il y a dans notre pays un large consensus entre les diverses forces politiques, aussi fort que celui qui existe entre les divers courants qui coexistent au sein du seul Parti Socialiste français ! Or une démocratie ne peut fonctionner sans un consensus sur les valeurs essentielles qui permettent la gestion du dissensus inévitable et d’une certaine façon salutaire.

Pour n’évoquer que la période la plus récente, depuis le Pacte National en 1988, dont j’ai été le principal rédacteur et qui a eu le privilège de rallier tous les courants politiques depuis les communistes aux islamistes, et jusqu’à la Conférence Nationale sur l’Emploi en 2008,  la démarche est la même.

L’Etat est l’Etat de tous les tunisiens sans exclusive: c’est là pour moi une position de principe de laquelle je ne me suis jamais départi. A cause de cette conviction forte, certains m’ont prêté le dessein inavoué d’affaiblir le RCD.

Le 15 Janvier 1988, j’ai écrit, à la demande du journal La Presse une tribune sous le titre Le PSD a-t-il un avenir. Cet article a finalement été censuré et interdit de publication. Il y était dit notamment ce qui suit :

« Avant le 7 novembre, à la question de savoir si le PSD avait un avenir, j’aurais fermement répondu : Non… malheureusement non !

Après le 7 novembre, à la même question, je réponds: oui. A deux conditions toutefois :

  1. A  la condition expresse que le PSD, se faisant violence sur lui-même , renonce clairement à ses visées hégémoniques pour se donner l’ambition d’un parti majoritaire, qu’il acquière son autonomie par rapport à L’Etat pour mieux être un parti de gouvernement ,  qu’il prenne résolument en charge l’avenir, qu’il se renouvelle et qu’il se ressource, qu’il se renouvelle  en se ressourçant, et paraphrasant tout à la fois Ali Ibn Abi Taleb et Karl Marx, « qu’il se donne la mort pour mieux ressusciter »اقتل نفسك لتحييها من جديد , qu’il « tue le mort qui saisit le vif » !
  2. Que le système politique tunisien, dont le PSD est une composante essentielle, se restructure dans le sens du pluralisme enfin devenu une donnée irréversible, qu’un consensus pluriel soit enfin rendu possible autour des valeurs essentielles de la société civile et de l’Etat de droit, sur les objectifs du développement et sur les droits sacrés et inviolables de l’homme et du citoyen. »

Le texte laisse s’exprimer des doutes et des craintes sur l’avenir. Parce que pour une part le PSD pouvait être difficilement réformable dans la mesure où il s’agit d’un parti « qui a symbolisé la répression et le viol des consciences  pendant si longtemps. ….. Il traine un lourd passé de répression des étudiants et de la classe ouvrière. …  il a fini par se confondre avec les milices et les barbouzes, ….  La Tunisie vit en quelque sorte «  un moment de rupture salutaire, peut être une chance inespérée, presque une dernière chance ». … Mais « si le sel s’affadit » comme dit la Bible, si l’espérance venait à être trahie ou déçue…  », « je ne saurais alors prédire l’avenir… du système politique et celui de la Tunisie ». 

Ma conviction était qu’à vouloir occuper la quasi-totalité de l’espace politique et de la société civile, le parti au pouvoir finit par stériliser cet espace et en fin de compte, par se stériliser lui-même.

J’ai plaidé et obtenu dans un premier temps le principe du désengagement du parti par rapport à la société civile et la dissolution, qui ne fut que pour un temps, des cellules dites professionnelles.

Le premier dossier dont je me suis occupé en 1988 fut celui du désengagement du parti par rapport à la solidarité sociale et la création de ce qui s’appelle aujourd’hui l’Union Tunisienne de la Solidarité Sociale. Après de longues et âpres controverses, la bataille fut gagnée ,  partiellement toutefois. Ainsi d’un service au sein du parti, la solidarité sociale obtint le statut d’une ONG.

Sur un tout autre plan, j’ai âprement milité pour la reconnaissance des sacrifices des militants de tous bords aussi bien dans la lutte pour la libération nationale que pour la démocratie dans notre pays. C’est dans ce contexte que j’ai activement travaillé pour la création d’un Institut Supérieur d’Histoire du Mouvement National, en tant qu’institution indépendante du parti rattachée au Ministère de l’Enseignement Supérieur, au lieu et place notamment d’un service d’histoire du mouvement national au sein du PSD réduit à l’histoire du parti et plus particulièrement de son chef.

Je me dois cependant de dire que rien de tout cela, et bien d’autres initiatives encore, ne procédait d’une volonté cachée de nuire au parti. Mais enfin je comprends l’humeur et l’indignation de beaucoup de partisans: voir le parti dépouillé de tant de prérogatives! Trop c’est trop ! Et tout ce qui venait de moi devenait suspect et relevait du complot contre le parti ! Surtout dans le contexte de luttes d’influence et de positionnement qui, du reste, ne m’ont jamais intéressé.

Dois-je dire à ce propos que j’appartiens à une famille de patriotes destouriens et que j’en suis particulièrement fier.

  • Mon oncle maternel, Youssef Rouissi, a été à l’origine du premier et unique Congrès que l’ancien Destour a tenu en 1933, en a présidé la Commission politique et a fait adopter la résolution qui a permis à l’équipe de l’Action Tunisienne d’intégrer collectivement la Commission Exécutive du Parti. De prisons en exil, puis en engagement actif pour la cause du Maghreb, notamment aux côtés de Mehdi Ben Barka, de Abderrahman El Youssoufi et de Abdallah Ibrahim,  lors de la création de l’Union Nationale des Forces Populaires au Maroc, qu’il a parcouru dans tous les sens pour mettre en place les cellules du nouveau parti à leurs côtés, comme il l’a fait pour le Néo Destour à la fin des années 30; qu’il s’est fortement engagé aux côtés  du FLN en Algérie. C’est en raison de cet engagement militant notamment qu’il n’est revenu en Tunisie qu’en 1964. La première fois que nous faisions connaissance l’un de l’autre c’était à Genève en 1962! Je l’y avais rencontré notamment en compagnie de valeureux militants maghrébins et arabes, dont Youssoufi, Hafedh Ibrahim,  et …Sataa Hossari. Le déjeuner de midi les réunissait tous dans le petit appartement qu’il avait loué pour l’été.  Lui-même, tout comme mon père, n’a jamais rien possédé d’autre qu’un modeste domicile personnel et l’héritage qu’il a reçu de ses parents.
  • Le jour même où je suis né, mon père, Moussa Rouissi, venait d’être arrêté et je ne l’ai revu que lorsque j’avais presque cinq ans. Mon père a été pendant près de vingt ans ambassadeur de Tunisie. De notoriété publique, il n’en a tiré ni avantage personnel, ni  privilège, ni acquis aucun bien.

De cela aussi je suis fier. Je dois cependant dire que  j’ai dès mon plus jeune âge, toujours milité, et de manière très active, dans le monde associatif et les institutions de la société civile et j’ai toujours été de l’opposition de gauche. J’ai fréquenté Perspectives pendant quelque temps, cercle de réflexion plus que parti, du moins à ses débuts. La vérité me commande de dire que jamais mon père ne m’a fait le moindre reproche concernant mon grand activisme et mes positions et que, bien au contraire, il a toujours défendu mon droit à ma liberté d’opinion. De même, jamais le Président Bourguiba n’a fait à mon père la moindre remarque à ce sujet.

J’ai toujours été très attaché aux valeurs démocratiques et à la liberté d’expression et d’association. Jamais je n’ai été tenté d’obtenir une position de pouvoir que j’aurais pu facilement obtenir. J’avais choisi d’être un témoin de mon époque et un intellectuel engagé pour la démocratie et la justice sociale.

Moi qui avais vu en 1969, tel ministre naguère tout puissant, désigné à la vindicte populaire, arrêté et traduit en justice sans qu’âme ne bouge, qui ai rédigé l’unique pétition qui dénonce la politique du bouc émissaire au lieu d’ouvrir un débat national notamment sur les mécanismes de prise de décision sur les grands choix nationaux. Cette pétition n’a recueilli que 49 signatures ! Dois-je faire remarquer que je n’étais pas un adepte du socialisme destourien et cet acte témoignait plutôt d’une indignation éthique.

Moi qui ai vécu l’enchaînement des faits qui a conduit au 26 janvier 1978 et qui ai vu l’arrestation de la direction syndicale et le démantèlement de l’UGTT ; qui ai vécu de nouveau en 1984 la  prise d’assaut des locaux de l’UGTT par des milices organisées au vu et au su de tous sans que nous ayions été en mesure de faire signer une simple pétition d’indignation ; j’ai considéré, le 7 novembre 1987 qu’il y avait une opportunité à saisir pour rompre définitivement avec la culture et la pratique du parti unique, sans me faire d’illusions et tout en sachant qu’il serait dur de gagner le pari.

J’ai personnellement toujours plaidé la cause de la séparation de l’Etat et de l’administration d’une part  et du parti  d’autre part. Pour le bien de l’Etat. Pour le bien de l’Administration. Pour le bien du parti aussi. Pour le bien de la Tunisie et des tunisiens surtout. C’est une mesure de salubrité publique.

Mais enfin nous voici aujourd’hui à l’orée d’une nouvelle ère historique riche en promesses et en espérances. La Tunisie passera peut être par une période de turbulences. Mais j’ai l’intime conviction que la Tunisie arrivera à bon port, «avec toutes ses potentialités».

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Moncer Rouissi
  • Ma vision, mes opinons sans détours et sans tabous. Je tenterai au fur et à mesure des articles publiés de partager mon expérience et de vous exposer les différents évènements majeurs qu'a connus la Tunisie durant les 30 dernières années. Ce ne sera là que
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